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ne balle dans la tête, c’est ainsi que les puissants dictent leur loi aux plus faibles, quand ces derniers enfreignent les us et coutumes en vigueur en 1930, dans cette région inhospitalière du Nordeste brésilien : la Caatinga. Un désert où reptiles et autres oiseaux de mauvais augure sont chez eux, et où l’homme ne peut espérer plus que la survie. C’est ce que va apprendre à ses dépens le père de la famille Da Rocha dont un des enfants a volé une chèvre au colonel Aristarco y Sousa, grand propriétaire terrien voisin. Ce premier drame va en appeler d’autres. Deux des fils du défunt, la rage au cœur, décident de le venger.
Comme souvent, le trait d’Hermann est d’une efficacité redoutable pour poser une atmosphère. Dans le cas présent, la végétation hostile, l’air suffocant, le soleil implacable et la peau tannée des faciès ne trompent pas, dès les premières pages le lecteur plonge dans un western qui, à l’instar de la nature ambiante, sera dur et sans concessions. Les personnages ne le seront pas moins, « œil pour œil et dent pour dent » est l’apanage des petits. Ici, la règle est à la surenchère. Paradoxe du réalisme du talentueux dessinateur, et rançon d’un travail d’une extrême minutie qui ne cède pas à la facilité de définir les uns et les autres par des attributs spécifiques, il est possible de regretter une certaine ressemblance entre les divers protagonistes. En contrepartie, il se dégage une rare intensité de ces visages.
La localisation géographique de l’intrigue - la Caatinga - lui confère une certaine originalité par son caractère quelque peu inattendu pour le genre. En effet, le scénario ne se cantonne pas à un simple règlement de compte, mais s’élargit sur les rapports entre les différentes forces qui coexistent dans cette portion de terre aride, les deux frères en fuite intégrant un clan de « cangaceiros », bandits locaux issus de la révolte paysanne (six pages à la fin de l’album évoquent brièvement le sujet). A travers ce choix du sort, va se nouer un destin : celui d’un homme construit sur la haine et la violence.
Western pur et dur, dans la splendeur exotique et illusoire d’un désert meurtrier, Caatinga, réédité douze années après la première édition, conserve tout son attrait pour les amateurs.
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