S
e laisser porter par le rêve ou recueillir entre ses mains la quintessence de la réalité ? Comment supporter un passé trop douloureux et savoir profiter de l’instant présent ? Le geste créatif confère-t-il à son auteur le statut de Dieu vivant ?
La voix se fait entendre, en guise de préambule. Une fleur du mal s’ouvre sur un personnage teinté d’un gris poisseux et le voyage intérieur peut débuter. Celui de Laura qui découvre à travers un carnet de rêves les angoisses de sa grand-mère juive à la fin des années 30. L’un des "Je" de l’auteur s’interroge sur ses peurs, sur le sionisme d’hier et d’aujourd’hui ou sur le bien-fondé de comparer ses souffrances. Mais Laura en a assez de ce statut de victime. Un sentiment de révolte se fait jour, elle ne veut plus rester seule. Le "Je" laisse la place au "Nous" et à un dialogue entre l’auteure et son personnage, mais aussi entre Théa et son moi intérieur.
Les thèmes, abordés de façon philosophique, auraient pu s’avérer impropres à une adaptation en bande dessinée. Pourtant, ce qui étonne dans le récit est sans contexte son extraordinaire fluidité. L’auteure passe d’un sujet à l’autre sans à-coup, effaçant par la même occasion la relative complexité de son propre cheminement. Elle aborde, comme autant de poupées russes, des notions qui s’emboîtent facilement et naturellement les unes dans les autres. Elle parvient, surtout, à rendre universel ses propres questionnements.
Là où beaucoup auraient sombré dans un fouillis intellectuel, Théa Rojzman argumente, explique, transforme ses idées noires en ouverture permanente vers le monde extérieur. Il n’y a dans Le carnet de rêves aucun nombrilisme, aucun misérabilisme, seulement une introspection passionnante et très enrichissante. Une réussite certainement due à l’humour, très présent, notamment dans les dialogues de la deuxième partie mais aussi grâce à l’utilisation de nombreux symboles graphiques qui autorisent plusieurs degrés de lecture mais donnent aussi l'envie irrésistible d'y revenir constamment.
Ne serait-ce que pour admirer une fois encore les très beaux lavis qui viennent servir un texte simple et jamais prétentieux. Les couleurs se diluent et s’entremêlent dans une harmonie saisissante. Et quand l’auteure décide "d’aquarelliser sa vie", elle réussit à modéliser parfaitement la sortie de son " moi" en changeant radicalement de style, l’espace de quelques cases.
Ouvrir Le Carnet de rêves, c’est un peu aller à la rencontre de soi-même, de ses doutes, de ses incertitudes. Mais c’est aussi découvrir un très bel ouvrage, ludique et fascinant, qui donne le sentiment agréable, une fois refermé, d’une paix intérieure retrouvée.
Lire la chronique de La Réconciliation
Oui, c'est une bd prise de tête. Assurément. Pour autant, si on aime se questionner sur le sens de la vie dans un genre introspectif, cette bd est faite pour vous. La dualité qui compose l'être humain n'aura plus aucun secret pour vous.
Il y a en effet des ressorts narratifs et visuels qui sortent du cadre et assure une originalité qui sera de mise. Le graphisme est assez spécial mais colle à merveille au sujet dans les méandres philosophique du moi.
La lecture est parfois déroutante et déstabilisante mais on se rattrape toujours au dernier moment comme si l'auteure savait y faire. A noter que je ne l'ai découvert récemment qu'avec le titre Emilie voit quelqu'un qui est encore un récit de psychanalyse. Bref, on peut parler de spécialisation.