A
u détour d’une route bitumée et poussiéreuse du fin fond de l’Alabama, un auto-stoppeur noir croise le chemin de la belle Tracy-Lee. Cette nuit-là, dans une chambre du Blue Wallow Motel, les deux se lancent dans un mélange de couleurs totalement tabou dans cette région où les draps blancs ne servent pas seulement de couverture aux ébats sexuels. Pendant que Clément Brown sort téléphoner, Kyle Landsky entre dans la chambre occupée par sa belle-sœur et l’abat froidement dans son sommeil. De retour sur le lieu du crime, le jeune black réalise que cet assassinat risque de lui retomber sur le dos et décide de remonter la piste du meurtrier, sur la route de Selma.
Après avoir fêté ses vingt ans l’année dernière, la collection Aire Libre réédite certains de ses classiques dans un petit format broché. Les deux premiers titres inaugurant ce format compact, régulièrement adopté par les romans graphiques, sont Chute de Vélo de Davodeau et Sur la Route de Selma de Tome et Berthet. Agrémenté d'une interview de ses auteurs, celui-ci est un thriller sombre dont le thème est, malheureusement, toujours d’actualité.
En situant leur récit dans un état du sud tristement célèbre pour sa haine raciale, les auteurs proposent un polar noir où les blancs font la loi. Le genre de road-movie qui se plait à abandonner les hommes de couleurs sur le bas-côté de la route, de préférence face contre terre et une balle dans la tête. Si le filon a déjà souvent été exploité et que l’intrigue ne réserve pas de réelle surprise, le scénariste de Berceuse assassine livre néanmoins une enquête prenante et efficace sur fond de meurtre passionnel et de racisme. Il soigne particulièrement le développement psychologique de ses personnages, de cette femme libertine au beau-frère sans merci, en passant par le bull-terrier qui ne sert pas seulement de métaphore à la soumission de ce peuple sorti de l’esclavage.
A l’aide d’un style légèrement rétro, parfaitement adapté à cette partie conservatrice des Etats-Unis, et d’une colorisation adéquate, Berthet donne sa vision de l’ambiance oppressante dans laquelle s'inscrit l’histoire.
Si le contenu de cet album a déjà fait ses preuves et justifie sans doute cette remise au goût du jour, à l’instar du héros de cette tragédie, le contenant risque en revanche de devoir faire face à une certaine forme de discrimination : celle des adeptes du bon vieux format cartonné.
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