L
a petite musique que produit l’écriture de Seth est d’abord un peu agaçante, pleine d’autosatisfaction et d’arrogance, puis on s’aperçoit très vite qu’elle dit souvent l’inverse de ce qu’elle paraît exprimer. Elle grince, elle pleure aussi, en pudeur. Seth se protège par reculades, par évitements. Il s’est construit une carapace afin de se protéger d’une vie qui le malmène, de ses difficultés à communiquer en amour, des doutes qui le saisissent et qui l’ont conduit à une certaine solitude. Mais plutôt que de faire front, il préfère s’enticher d’un dessinateur mystérieux. Celui-ci, publié un temps au New Yorker, a soudainement disparu. Son trait ressemble étrangement à celui de Seth, lequel collectionne frénétiquement ses illustrations. De bien maigres trouvailles en vérité. Une excuse un peu vaine, dont personne n’est dupe - à commencer par Chester Brown, son confident - mais pas seulement. Les recherches qu’il mène sont aussi une façon de méditer sur un autre lui-même, un double, dans l’espoir de trouver en lui, derrière lui, quelque chose qui s’y est caché, quelque chose susceptible d’expliquer son insatisfaction. Cette quête est à rapprocher chez l’auteur, d’un certain dandysme, un refus de la modernité et l’incapacité à se reconnaître dans le présent. Sans la mémoire de ce qu’il était jadis, il perdrait tout simplement pied. Il choisit, ce faisant, de s’enferrer dans une forme de nostalgie désabusée. Mais cette tristesse mélancolique, Seth parvient à la sublimer avec une subtile délicatesse. Le bleu pétrole et la bichromie délavée, l’élégance et la finesse du trait – on pense à Dupuy et Berberian, à François Avril – font le reste. Surtout, l’album fait l’objet d’une réédition de belle facture – papier jaune et légèrement vieilli, typo Art déco – respectueuse de la version originale et en adéquation avec la tonalité du récit.
Une œuvre autobiographique aussi précieuse qu'incontournable.
» Lire la chronique de la première édition de La vie est belle malgré tout.
» Lire aussi la chronique de Wimbledon Green.
» Lire enfin la chronique du Commis voyageur.
Poster un avis sur cet album