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ne banlieue endormie, un quartier pavillonnaire où se morfondent quelques adolescents. Plutôt que de céder à la dépression, à l’abattement, Miguel a préféré sombrer dans le coma avant de s’éveiller un an plus tard. Aucune lésion si ce n’est un ralentissement de ses fonctions motrices, une forme de langueur cotonneuse, une mélancolie douce et rêveuse à laquelle le jeune homme semble s’abandonner. Il retrouve sa tendre Lita et Roméo, son meilleur ami. Dans le garage familial, ils improvisent quelques morceaux de rock ou discutent à n’en plus finir des légendes locales pour tromper leur ennui, pour échapper à cette torpeur qui tente de les saisir. Une série de meurtres dans un verger, un homme bouc y veillerait les victimes enterrées. Miguel en fait des cauchemars et chacun s’amuse à se faire peur. Et puis le trio se fait triangle amoureux et la jalousie entre dans la danse.
Alors que les personnages et les situations se brouillent, l’histoire bascule soudainement. Un effet secondaire du coma, une forme de réalité ajoutée engendrée par un demi-sommeil ? Dans la pièce orchestrée par Gilbert Hernandez (Palomar, La rivière empoisonnée) se joue alors un étrange jeu de chaises musicales où chaque personnage endosse successivement le rôle de l’autre. Au cœur de cette ronde endiablée, la malédiction de l'homme bouc matérialise les angoisses liées à la puberté, les difficultés à se construire comme à trouver sa place. La disparition de l'un des protagonistes, son assoupissement, permet aux autres de se réaliser, d’ouvrir un instant le champ des possibles. La vie n’est jamais à la mesure des rêves, le réveil n'en est que plus douloureux.
Une fable touchante sur l'adolescence.
>>> Lire aussi la chronique de La rivière empoisonnée.
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