A
u cours d’un salon organisé par Marvel (!), Dave Gibbons fait la connaissance d’Alan Moore. De cette rencontre naquît… Chronocops ou Billy the squid, entre autres. Pour les Watchmen, il faudra attendra un dimanche matin passé sur un sofa, à prendre des notes et dessiner, avant un déjeuner à base de curry. Watching the watchmen, c’est aussi détaillé et anecdotique par instant que cela. L’occasion de feuilleter un album souvenir en compagnie de Dave Gibbons qui commente ce qui restera probablement comme l’œuvre de sa vie d’auteur.
En plus de sa boîte à souvenirs, il ouvre également ses cartons à dessins. Une âme de véritable conservateur de musée cet homme-là ! Des premiers crobards exécutés par les deux compères (sur le sofa, vous suivez ?) en croquis détaillés, en passant par les recherches sur les personnages, les crayonnés, et même les études concernant les tâches de Rorsach, il y a de quoi sustenter les plus affamés des curieux, amateurs de making-of. Il livre également nombre de scans de notes manuscrites d’Alan Moore accompagnant les scripts, qu’elles servent à les commenter ou même à s’excuser d’avoir livré son travail en retard. Le coloriste, John Higgins, qui a largement contribué à l’identité de la série, n’est pas oublié. Alors, un livre-somme en tout point exhaustif ? Pas totalement puisque Gibbons confesse passer sous silences les tensions et autres moments difficiles qui ont accompagné l’aventure Watchmen. Cela, il le met de côté, avec un peu de matériel qui pour le moment restera inédit mais jure qu’il s’agit d’un choix et non le résultat d’une pression éditoriale qui aurait poussé à faire des coupes.
Une fois refermé cet imposant pavé consacré à une série hors normes au moment de sa parution, c’est une réflexion « tarte à la crème » qui vient à l’esprit : pour peu qu’on ait aimé la série, ou le film sorti récemment, ou les deux, ce livre de souvenirs très documenté mérite le détour. Si on n’a aimé ni l’un ni l’autre, au mauvais motif par exemple que le détournement des icônes que sont les super héros est devenu depuis quelques années un créneau voire une niche commerciale ne produisant pas grand-chose d’inoubliable. Ou alors parce que les couleurs du comics piquent les yeux, ou que le film verse trop dans le maniérisme et les tics visuels, peu importe, pour l’amateur de BD au sens large, Watching the watchmen mérite également le détour. Pour voir, pour savoir, pour assister à la dissection d’une œuvre par son créateur. Pour s’amuser aussi, notamment à faire un parallèle entre les itinéraires des auteurs, sachant que Zack Snyder, metteur en scène, et Alan Moore n'ont finalement pas collaboré ensemble pour porter la BD à l'écran. A l’origine Gibbons et Moore s’étaient unis pour bâtir un projet en réponse à une commande de DC autour du personnage de Superman, qu'on imagine aisément éloigné de tout angélisme. Dans certaines interviews, Snyder avoue caresser l’envie de porter sur grand écran sa vision du même héros, évidemment bienfaiteur de l’humanité mais qui pourrait également symboliser son plus grand péril s’il venait à perdre la boule. Pourquoi se font-ils la gueule, ces gens-là ?
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