B
laise, la dizaine, est le fils unique d’un couple qui a fait mai 68 et ne semble pas être totalement redescendu de son trip. Pour être plus exact, il convient de préciser que si eux vivent avec l’état d’esprit de l’époque, enfin surtout pour ce qui les arrange, ils n’en ont pas moins des principes pour ce qui relève de l’éducation de leur progéniture. De là à se remettre en question, il y a un pas qu’ils ne sauraient franchir et de toutes les manières, ils n'en sont pas à un paradoxe près. Le ton est absurde et le l'environnement bien ringard. Voilà.
Le graphisme a de quoi intriguer, espèce de photomontage retravaillé, il en rebutera certains, mais ceux qui dépasseront cette première impression ne seront pas déçus. Plus qu’au simple service d’un texte tout en maîtrise dédié à la chute, il lui sert un contexte qui transcende l’effet comique. A lui seul, le décor constitue déjà une apologie du has-been : papiers peints passés, mobilier d’une autre époque et détails truculents glissés à l’intention de celui qui voudra bien s’attarder dessus. Ensuite, en plan très rapproché, viennent taper à l’œil les textures et les couleurs de vêtements très en vogue... il y a quelques décennies. Le contenu du catalogue de la Redoute que compulsait fiévreusement J.C. Tergal dans sa primesautière jeunesse ne doit pas être loin. Enfin les visages, figés dans des expressions presque immuables, n’en sont pas moins suggestifs quant au vide sidéral qui les habite. Blaise subit, inquiet, avec une tête qui n’est pas sans faire penser à celle qu’aurait pu avoir un certain Harry Spencer avec quelques années en moins.
Pré-publié pour partie dans Fluide Glacial, puis dans L’écho des Savanes, le principe est celui d’une histoire par planche, l’ensemble formant un tout cohérent. Plus que de Blaise, même s’il hante chaque page, c’est de ses parents dont il est essentiellement question. Ces derniers, tout à leur ego, monopolisent l’espace au propre comme au figuré, convaincus du bienfondé et de la pertinence de leurs interventions. Autour de ce duo de choc, viennent se greffer des personnages secondaires bien sentis, avec notamment un Dabi Doubane, footballeur de haut niveau et « personnalité préférée des français » (chacun y verra ce qu’il voudra...), mis en spectacle dans, par et pour les médias. Tout le talent de Dimitri Planchon réside dans cette habilité à maintenir un décalage permanent entre décor et propos, en entretenant savamment le flou sur l’époque à laquelle se déroule cette pantalonnade ! En arrière plan, derrière le drôle, ce qui l’est moins : un regard angoissé (celui de Blaise ?) sur une société anesthésiée et pétrie de certitudes.
Mais trêve de sinistrose (cqfd), Blaise est un ovni résolument inénarrable, dont la lecture devrait arracher, à celui qui franchira le pas, quelques gloussements coupables face à ce condensé de bêtise. Pourquoi se priver ?
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