D
ans un futur indéterminé, Los Angeles est divisée entre deux mondes : la richesse et le luxe indécent d'un côté, la pauvreté et la violence de l'autre. Quand les jeunes des beaux quartiers s'ennuient, il ne reste plus que la consommation de drogues en tous genres pour avoir l'impression d'exister. Mais le must absolu, réservé à quelques privilégiés, consiste passer quelques heures dans la peau d'un « hôte » de la vieille ville, pour faire monter l'adrénaline pour une durée déterminée. Mais ces petits jeux ne sont pas sans conséquence, surtout lorsque des systèmes pirates permettent de détourner les règles d'éthique établies pour ce genre de pratiques.
Dès le départ, le récit dévoile une ambiance inhabituelle. Le nom du héros est inconnu, alors que ses amis sont, eux, bien identifiés. Blasé, le jeune homme est le reflet d'une société en plein malaise : la voix des jeunes nantis américains pour lesquels tout posséder ne suffit plus.
Très vite, l'angoisse apparaît, d'abord sourde, puis envahissante. Elle monte, sournoise, comme la drogue se répand dans les veines des fils et filles à papa qui évoluent dans les pages. Le ton au départ dérangeant se fait malsain quand les personnages révèlent une cruauté morbide. Si cet effet écœurant est un caractère essentiel de l'histoire, quelques éléments trash sont parfois étalés avec une bonne dose de gratuité, traînant exagérément en longueur, au point de se demander si tout ce qui est montré était réellement nécessaire. Paradoxalement, des scènes "fleur bleue", destinées à faire écho à l'inhumanité de certains individus, se trouvent trop en décalage et désamorcent l'atmosphère toute en tension.
Le dessin, qui pèche par quelques défauts notamment en matière de régularité pour les visages, dispose néanmoins d'un caractère personnel qui s'accorde avec le ton de l'histoire. Les couleurs, bien gérées dans les scènes d'intérieur ou de nuit, sont trop lisses et assez vives dans les parties diurnes ou extérieures, là où de la sobriété serait aussi attendue pour coller à un scénario aussi noir. Les jeux de lumières ont un caractère parfois trop géométrique mais sont cependant bien maîtrisées, donnant un relief bienvenu au récit.
Ce premier tome laisse présager d'une série sympathique, notamment grâce à sa fin, palpitante à souhait et qui permet de faire oublier les quelques maladresses de narration et de représentation graphique. Le sentiment de répulsion face à cette société et ses mœurs n'est pas feint et il est à espérer que les auteurs ne sont pas visionnaires tant ce futur est en tout point non souhaitable.
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