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n 1631, par un jour de printemps où le soleil peine à percer les nuages, le jeune Rembrandt van Rijn arrive à Amsterdam après avoir commencé à se faire un nom à Leyde. Il y est accueilli par Hendrick van Uylenburgh dont il devient l’associé avant d’épouser sa nièce, la jolie Saskia, quelques années plus tard. Progressivement, l’artiste construit sa renommée tandis, qu’exigeant, il s’attache à peindre la réalité et cherche à mettre l’invisible sur toile. Mais alors que sa gloire ne cesse d’augmenter, sa vie personnelle est bouleversée une première fois par la disparition de plusieurs de ses enfants puis par celle de Saskia. Resté seul avec le petit Titus, il continue à peindre et se lance également dans la production d’eaux-fortes, tout en entretenant une relation avec sa servante Geertje. Lassée de ne pas voir venir le mariage qu’elle espère et éconduite au profit de la jeune Hendricke, celle-ci intente un procès à Rembrandt qui l’a fait enfermer dans un asile. Mais, bientôt, le peintre est frappé par un autre coup : la faillite.
Avec Rembrandt, Olivier et Denis Deprez (Frankenstein, Othello, Moby Dick) s’attaquent à une des plus grandes figures de la peinture, l’un des maîtres du clair-obscur. Loin de proposer une simple biographie en images de l’artiste, les frères s’attachent à rendre certains moments de sa vie à travers deux prismes : l’art et l’amour. Les cycles ascendant et descendant de l’un et de l’autre permettent d’éclairer l’existence du peintre et ce qui l’a conduit, après des années de gloire, à la débâcle économique comme sentimentale. Le regard porté sur Rembrandt par les scénaristes est en cela intéressant, car, sans omettre les jalons essentiels, il le fait sous l’angle particulier d’une certaine banalité qui transparaît particulièrement dans les instants choisis et les dialogues. Ces derniers paraissent en effet dénués de substance ou, du moins, très éloignés de ce qu’on pourrait s’attendre à lire, et comme déconnectés les uns des autres. Pourtant, ils sont autant de séquences révélant l’un au l’autre aspect du peintre que les Deprez veulent mettre en avant. Un commentaire sur la façon dont le docteur Tulp souhaite être représenté durant sa leçon en dit ainsi assez long sur l’astreinte des œuvres de commande et le désir de liberté de l’artiste. Néanmoins, dans les pages suivant la mort de Saskia, on peut regretter que les amours de Rembrandt prennent un peu trop le pas sur l’art.
Pour accompagner le récit, les planches aquarellées de Denis Deprez jouent avec les tons gris et bruns, ça et là rehaussés d’ocres, de rouges ou de noirs. Elles conservent un certain flou au dessin tout en rendant d’abord les attitudes, les expressions. Souvent d’ailleurs, le trait se fait plus simple, se réduisant à des silhouettes émergeant de brumes ou de pluies omniprésentes, l’ensemble formant autant d’impressions qui rappellent quelques toiles des écoles flamandes.
Rembrandt se regarde et le lecteur prend plaisir à y retrouver, au-delà d'une vision d'un grand peintre, des atmosphères qui évoquent la Hollande, ses canaux et ses soleils mouillés dans des cieux brouillés...
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