Pirates des 1001 lunes 1. Tome 1

L es pirates de Barbe-Noire ont débarqué à Gattaca et y ravagent tout. Ils ont reçu l’ordre de tuer Dahlia, l’épouse fugitive de leur chef, et d'enlever son bébé. Ils rentrent bredouilles, car, avant de mourir, la jeune femme a confié sa petite Loane à John Rackham, l’homme qu’elle aimait, en le chargeant de l’élever comme sa propre fille. Des années plus tard, l’enfant espiègle arpente le pont du « Neptune » passe son temps à jouer avec Erik Graaf. Mais lorsque celui-ci doit suivre son géniteur banni pour avoir enfreint le code édicté par Rackham, Loane se retrouve seule et ne sait comment tromper son ennui. Quand le vaisseau de son père adoptif ne répond plus à l’appel, elle part à sa recherche et croise la route de Barbe-Noire… avant d’apprendre la vérité sur ses origines.

John Rackham, Edward Teach – alias Barbe-Noire – ou encore Laurens Graaf, Pirates des 1001 lunes rassemble quelques hautes figures de la flibusterie, donnant de quoi alimenter de vieux rêves de gosses. Et la joyeuse songerie de Christophe Alliel et Maxe revisite les grandes légendes de la piraterie pour en livrer une vision un peu édulcolrée et personnelle, sans pour autant sortir des sentiers battus. Par ailleurs, tandis que l’éditeur annonce de la « piraterie historique », le lecteur averti s’étonne de trouver un John Rackham qui pourrait passer pour un aimable corsaire, alors qu’il n’était guère plus tendre que ses deux frères de flibuste qui, eux, tiennent parfaitement leur rôle de méchants sanguinaires. Passons, il s’agit d’une œuvre de fiction… Tout aussi fictive est Loane, présentée comme la « mythique fille de Barbe-Noire », qui a le mérite de concentrer tous les fantasmes sur les femmes pirates, à l’instar des très réelles Anne Bonny et Mary Read. Les scénaristes ont sans doute été voir du côté de ces deux-là, car l’idylle entre Rackham et Dahlia n’est pas sans rappeler celle du personnage historique éponyme et d’Anne Bonny. A ceci près que le mari légitime de la flibustière n’est plus un boucanier de seconde zone mais le redouté Edward Teach. L'association gagne en panache ce qu'elle soustrait à l'authenticité.

Quant au fond même du récit, il s’avère des plus classiques. L’héroïne orpheline apprend avec stupeur, mais sans se laisser abattre, que le méchant est son père et est confrontée aux conséquences de l’ignoble trahison commise par le paternel de son chéri. D’ores et déjà on peut supposer que cette dernière donnée aura des retombées par la suite. Le manque d’originalité aurait pu être pallié par l’idée de transposer l’histoire dans un monde interstellaire. Malheureusement, il est difficile d’en déceler la nécessité absolue au vu de l’apport quasi inexistant engendré par les poissons et les navires en bois flottant dans les airs… Restent une construction qui se tient et un rythme maintenu tout au long de l’album grâce à de nombreuses scènes d’action. Côté graphisme, le lecteur ressent toute l’inégalité souvent inhérente à une œuvre collective. Certains chapitres bénéficient d’un dessin assez bien léché et dans la droite ligne de ce qu’on trouve chez Soleil, comme pour « Desillusions » et « Rancœur sanguinaire », respectivement dessinés par Christophe Alliel et Bruno Bessadi. Le travail de Nicolas Demare, quoique légèrement différent, est dans la même veine. Cependant, les coups de crayon de Xavier Roth-Fichet et Gunt s’en démarquent fortement en étant plus appuyés et relativement plus grossiers. On regrettera certaines fautes de perspectives ou des rendus peu convaincants. Quant aux couleurs, elles aussi exécutées à plusieurs mains, elles reflètent la variété des styles. Les teintes trop pastelles de Cyril Vincent contrastent avec celles plus vives de Sébastien Brunet et celles plus sombres de Julien Loïs qui conviennent mieux à leurs atmosphères propres.

A l'image de nombreux collectifs, ce premier tome de Pirates des 1001 lunes s'avère disparate et, scénaristiquement peu original. Il sera réservé aux amateurs inconditionnels.