E
n épigraphe de ce premier volume de Constellations, un extrait d’un poème de Robert Desnos, datant de sa période surréaliste :
« Loin de moi, une étoile filante choit dans la bouteille nocturne du poète. Il met vivement le bouchon et dès lors il guette l’étoile enclose dans le verre, il guette les constellations qui naissent sur les parois » (« Si tu savais », Lettres à la mystérieuse, 1926).
En fait d’enclos, il s’agit ici d’un stade où survivent des déportés, victimes de génocidaires anonymes. De temps à autre, des rafles sont organisées et les corps enlevés vers une destination inconnue. Dans l’intervalle, un semblant d’organisation sociale s’est bâti sur le troc et le recyclage des reliques d’un passé révolu. La civilisation s’est éteinte et les monceaux de déchet accumulés matérialisent son échec. La communauté de destin s’est faite société de la peur. Et si le salut venait du ciel ? La voûte céleste comme le dernier espoir, les étoiles comme autant d’étincelles de vie. Emergeant de la brume des songes, le rêve de l’humanité réside dans le cœur des hommes. La poésie, l’écriture, apparaissent comme des œuvres salvatrices, fondatrice d’une liberté nouvelle qui reste encore à conquérir. La résurrection passe par l’imaginaire, la création, la révolution des esprits quand le monde a couru à sa perte et peine à se réinventer.
L’histoire se fait conte fantastique, déambulation onirique. Pour autant le message distillé est parfois confus, peut-être à dessein. S’agit-il de se prévenir de nos éternels démons, d’un messianisme du bonheur matériel à tout prix ? Et si tel est le cas, comment y parvenir ? Se reconstruire une spiritualité non idolâtre en harmonie avec la nature ? Il n’est pas toujours aisé de faire le tri dans ce salmigondis ésotérico-poétique. Pourtant, quelque chose retient l’attention : une forme de nostalgie, un dessin épuré dégageant une certaine sensibilité. Et puis, il y a ces photos légendées qui ajoutent au mystère et paraissent éclairer certains pans du récit. Nombreuses sont pourtant les questions qui restent en suspens. Qui sont ces épurateurs ? Pourquoi prélèvent-ils les corps ? Quelle est la teneur de cette prophétie annonciatrice d’un libérateur venu des cieux ?
Constellations suscite de la curiosité, espérons simplement que Les anoraks, le deuxième tome de la série, délaissera quelque peu une rhétorique parfois absconse pour mieux entrouvrir quelques portes… On ne demande qu’à se laisser guider…
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