L
éon est le gardien du cimetière Saint-Antoine. Il y mène une petite vie tranquille, pas très exaltante non plus, mais au moins, il n'a pas de problème de voisinage. Jusqu'au jour où ses défunts pensionnaires décident subitement de sortir de leur tombe pour se dégourdir les jambes. Léon a tôt fait de les remettre dans le droit chemin, ou plutôt dans le bon trou, mais ne peut empêcher un ex-colonel, un brin hargneux, de le mordre sauvagement à la main. Cette blessure anodine transforme peu à peu l'infortuné gardien en mort-vivant. Draguer les filles devient évidemment un peu plus compliqué, trouver de la viande rouge bien saignante pour son quatre heures n'est pas non plus chose aisée : la vie de zombie n'est vraiment pas facile tous les jours.
Le titre de l'album n'admet aucune ambiguïté sur le sujet. Calé dans le fauteuil, cramponné à l'accoudoir, le lecteur est fin prêt à découvrir une histoire teintée d'hémoglobine, de corps en décomposition et d'ectoplasmes effrayants. Ça commence pourtant très pépère, le quotidien de Léon et d'Asmodée, son chat, n'étant pas particulièrement excitant. Ah enfin ! Voilà le premier qui sort de terre, un ancien militaire de surcroit, furieux de ne pas retrouver sa médaille de guerre. Un coup de carabine et de pelle plus loin, ainsi qu'une morsure qui aura son importance, et c'est déjà fini. Le reste est à l'avenant : quelques combats plus rigolos que gores, un ou deux intestins qui pendouillent deci-delà, une cervelle qui se fait la malle et c'est à peu près tout. Pour étancher sa soif d'horreur et d'épouvante, faudra repasser.
Alors, c'est vrai, Ma vie de zombie parle aussi d'autre chose, aborde sur la pointe des pieds d'autres thèmes beaucoup plus sérieux. La mère de Léon, par exemple, aujourd'hui proche du trépas, qui battait ses enfants sous l'emprise de l'alcool, sert de prétexte à évoquer l'euthanasie et l'importance du pardon avant la mort. Puis les trois nazillons qui arpentent le cimetière Saint-Antoine à la recherche de noms à consonance juive et qui n'hésitent pas à profaner quelques tombes, de l'"antisémitisme post mortem" comme dit Léon.
Les indulgents seront satisfaits de ce double niveau de lecture. Les autres regretteront sans doute d'avoir navigué entre deux eaux, dans un récit pas tout à fait gore mais aussi trop léger pour y voir une analyse très poussée de sujets de société. D'autant que le dessin, s'il reste très correct, n'apporte pas non plus un réel enthousiasme. Le trait de RaphaëlB, anguleux, donne parfois l'impression que les personnages sont taillés à la hache, ce qui tombe plutôt bien pour ce style d'histoire, mais ne s'avère pas forcément très esthétique.
Ma vie de zombie est un peu drôle, un peu gore, un peu critique, un peu tout finalement. A force de mélanger les genres et de ne traiter que de façon superficielle les thèmes évoqués, le résultat est, lui aussi, un peu en demi-teinte.
Du même auteur, j'avais lu Avec les morts qui relatait également les aventures un peu macabre d'un gardien de cimetière. Le principe est le même puisque les morts se réveillent et essayent de fuir le cimetiére pour découvrir la vie. La proximité du sujet me faisait dire qu'il s'agissait d'une suite ou d'un préquel. Ce n'est pourtant pas le cas.
La lecture sera encore une fois tout fait agréable. L'univers est réellement original. Il manque cependant quelque chose pour rendre cette oeuvre inoubliable. L'intrigue aurait dû être certainement un peu plus fouillée. Le dessin pourrait être également amélioré.
Une bd gentillement gore à découvrir à l'occasion par les amateurs de zombies.