A
u cœur d’un écosystème unique, se trouve l’orcan, une plante parasite aux propriétés mystérieuses. Sa floraison, tous les sept ans, marque l’ouverture, selon d’anciens rites chamaniques, de la cérémonie du renouveau. Lors des festivités s’organisent de grandes bacchanales donnant lieu à toutes sortes de licences et de débordements. La nuit venue, des hurlements bestiaux emplissent la forêt. De passage, deux étrangers terrifiés choisissent de prendre la fuite avec les enfants du village, de peur de voir ces derniers sacrifiés sur l’autel d’un culte primitif et barbare. L’échappée se fait errance et c’est en esclaves que les enfants rejoindront Iskander, la capitale de l’Empire.
Avec Les délices de l’Orcan, Étienne Le Roux (Les serments de l’Ambre, La mémoire dans les poches …) livre un récit dense, entre péplum et fantasy, où la magie se mêle à l’évocation d’une Antiquité versant peu à peu dans l’obscurantisme. Ainsi Iskander figure-t-elle une Rome décadente, où la gestion de la Res Publica est réservée à une élite et la plèbe contrainte à la servitude. Dans ce monde sombre et violent, l’innocence enfantine sera, on l’imagine, rudoyée. Le propos se veut politique, le drame humaniste, le conte initiatique et la fresque aventureuse. Les promesses sont tenues et Étienne Le Roux propose, à défaut de renouveler le genre, un scénario convaincant. Ordonné autour d’un long flash-back, l’album, découpé en trois parties, offre une narration à la fois riche et complexe. L’univers semble particulièrement fouillé et l’auteur laisse transparaître une belle assurance, quand bien même il signe là son premier scénario !
Le dessin, d’un grand classicisme, est particulièrement détaillé et s’enorgueillit de quelques trouvailles visuelles. Ainsi la description envoutante de l’Orcan ou certains décors impressionnent. La variation des tons, de l’ocre aux différentes nuances de gris, l’utilisation de couleurs directes, ou encore l’association de l’aquarelle et de la colorisation informatique sont du plus bel effet. On regrettera de temps à autre un manque de contraste et de lisibilité, ainsi que le placement un peu approximatif de certaines bulles.
Il faut, en tout état de cause, saluer une mise en place concluante et un essai assurément transformé. Deux tomes sont à venir, de quoi parfaire L’éducation des assassins...
Un dessin coloré, lumineux et frais. Etienne Le Roux travaille ici en couleurs
directes. Le scénario est prenant et relativement dense. Après l'introduction,
plaisante, le dernier tiers est très prenant. Une future grande série que je
classerais au niveau d'Alim le tanneur. Vivement le second tome...