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n novembre 2005, le Wahington Post révélait l'existence de prisons, disséminées partout dans le monde et gérées par la CIA, après les attentats du 11 septembre 2001. Ces centres de détention secrets, basés à l'étranger pour ne pas relever du droit interne américain, auraient accueilli d'après Amnesty International, plus de 70 000 personnes. Les séances de torture, actes de barbarie, ou pour reprendre les termes de Georges W. Bush, "méthodes dures d'interrogatoire ", devaient servir à traquer et à combattre le terrorisme.
Salt Pit est l'une de ces installations, située au nord de Kaboul, en Afghanistan. Sasha, journaliste, y raconte le quotidien de Franck/Ali, un jeune français qui subit depuis quelques mois les pires humiliations. Comment cet orléanais apparemment sans histoire est-il devenu djihadiste ? L'auteure apporte quelques éléments de réponse, tente d'expliquer son chemin tortueux et son choix d'appartenir à un Islam radical. Le récit est scindé en deux parties distinctes. Deux lieux mais aussi deux époques différentes : le passé de Franck dans le Loiret, ses potes, sa vie de famille et ses premiers amours, sa lente descente aux enfers ; son séjour à Salt Pit en 2005, son calvaire, sa souffrance. Sasha alterne les passages de l'un à l'autre, à la manière d'un journal de bord, intitulant chaque épisode de façon précise, renforçant ainsi l'impression d'authenticité de cette fiction.
L'histoire de Franck est séduisante ne serait-ce que par son thème, peu traité en bande dessinée. Néanmoins, l'exposé de sa déchéance paraît par moments presque trop cartésien, voire trop défaitiste. Tous les malheurs du monde semblent peser sur ses épaules sans qu'il puisse avoir la moindre chance de s'en sortir : un père absent, une mère débordée, des mauvaises fréquentations, un système éducatif défaillant... Un engrenage infernal parfois crispant tant il semble programmé, prévu d'avance. Le dessin de François Vataux, story-boarder de dessin animé, est plutôt convaincant. Il parvient à dépeindre des pratiques sordides, sans voyeurisme, ou à capter, avec un regard, une détresse morale ou un sentiment de haine. Le noir et blanc convient très bien à ce type de récit même si, quelques fois, le trait semble plus léger moins appuyé, rendant les personnages un brin fantômatiques.
Malgré quelques défauts, Salt Pit apporte un regard nouveau sur les raisons d'une radicalisation islamique chez certains, et sur les méthodes, présentées comme inhumaines, utilisées par les américains pour lutter contre le terrorisme. Un album qui aurait presque eu valeur de documentaire si le personnage de Franck avait vraiment existé. Il reste une fiction intéressante proposée par les Enfants Rouges mais dont les contours peuvent parfois paraître un peu trop lisses.
Salt Pit est un ouvrage qui met en lumière les prisons secrètes américaines qui se sont déployées dans le monde après les attaques terroristes du 11 Septembre. L'auteur souhaitait dénoncer les techniques d'interrogatoires totalement illégales. On assiste à de véritables scènes de torture ou d'humiliation du genre humain.
Je suis intimement persuadé que pour gagner la guerre contre le terrorisme, il ne faut pas utiliser les mêmes armes au risque de devenir pire que ceux qu'on combat. On y perd le plus important : son humanité. Le président Barack Obama l'a bien compris et c'est pourquoi il va mettre fin à ces pratiques dignes d'un autre âge instaurées par l'administration Bush. Sa première décision politique n'a-t-elle pas été celle de la fermeture du centre de Guantanamo dans le sud-est de Cuba ? Oui, la barbarie la plus abjecte est venue du monde occidental pendant notre décennie. Le but était louable mais les moyens pour y parvenir étaient bien trop sales.
L'auteur imagine une histoire totalement imaginaire mais qui aurait pu très bien se réaliser tant le contexte s'inspire de réalité. On fait ainsi la connaissance de Frank, un jeune garçon, élevé seul par sa mère dans la cité. On sent toute la potentialité de ce gamin qui va pourtant tomber sous le coup de l'injustice sociale. Il se retrouve en prison et va pratiquer l'Islam alors qu'il est français d'origine. Pas l'Islam tolérant qu'on connait tous mais celui marqué par la haine des extrémistes. Dès lors, la descente aux enfers ou plutôt en Afghanistan sera inéluctable.
J'ai franchement aimé l'initiative de cet auteur qui n'a pas peur de montrer la réalité pour dénoncer les actes de barbarie. J'espère qu'un jour, les responsables de ces actes odieux payeront devant le Tribunal International de la Haye.
Salt Pit a pour contexte une de ces prisons secrètes que la CIA a mise en place à l'étranger pour faciliter ses interrogatoires et ses tortures. Cet album nous relate l'histoire de Franck, de sa vie dans une banlieue d'Orléans et de la manière dont il va venir Ali et tombé dans l'islam radical.
L'album est construit en mêlant l'évolution de Franck et ses interrogatoires dans cette prison afghane une fois qu'il est devenu Ali. Cette alternance tient en haleine le lecteur. Le dessin est soigné, en noir et blanc. C'est une première BD pour l'auteur (journaliste) et le dessinateur, je trouve ça très réussi.