2020, dans une France dirigée fermement, Mundial possède le monopole de l’exploitation musicale. C’est ainsi que seuls les tubes sirupeux résonnent un peu partout, lobotomisant la population autant que les programmes télé décérébrant. Difficile pour Anna, l’intello qui souhaite faire des études, hélas réservées aux seuls garçons, de trouver sa place dans ce monde formaté où tout est dans le paraître clinquant et la ‘positive-attitude’ mielleuse. Pire ! Elle doit supporter les caquètements superficiels de Jessie, la bimbo ultra-siliconée et botoxée du lycée. Alors, quand elle croise la route de Joshuah, le banlieusard qui a la rage et hait plus que tout la musique sauce Mundial, elle sait qu’elle a – enfin – rencontré un être différent. Ensemble et grâce à leurs pouvoirs, ils décident de clamer leur ras le bol et leur désir de révolte.
Ankama inaugure son Label 619 en publiant le premier tome de Debaser, scénarisé et dessiné par Raf, ‘manfra’ (manga à la française) qui s’inscrit parfaitement dans son créneau alternatif. Rien que l’intitulé, reprenant celui d’une chanson des Pixies, est évocateur et donne le ton. En effet, c’est la rébellion via la musique qui est au cœur de l’album. Une rébellion contre un système ultra-consumériste, phagocyté par des modèles lénifiants, totalement clichés et sans substance, jusque dans la musique. D’ailleurs, cette société, pour caricaturale qu’elle soit, ne manque pas de nous rappeler les travers de la nôtre. Slogan invitant à travailler plus pour gagner plus (ou moins ?), policiers-robots matant les récalcitrants à la moindre occasion, règne de la chirurgie esthétique donnant aux filles le même nez, le même fessier et les mêmes poitrines disproportionnées… On ne peut s’empêcher de sourire en lisant le petit bijou critique que constitue le premier chapitre. La suite continue de planter le décor et de présenter les protagonistes en maniant humour et petits coups incisifs. Quant au graphisme de Raf, grâce à son trait nerveux, il confère un grand dynamisme à l’ensemble et croque sans aménité les tronches et attitudes des personnages, crevant, ici et là, le découpage des planches.
L’entrée en matière de ce volume de Debaser est très réussie et vaut le détour. Les jeunes lecteurs apprécieront en outre le langage « djeun » utilisé par l’auteur, dont l’écriture phonétique pourra parfois dépayser leurs aînés. A suivre !
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