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ui a tué Takehiro ? Est-ce Tajômaru, un brigand de grand chemin ? Masago, la veuve du samuraï assassiné ? Ou bien s'est-il tout simplement suicidé ? Trois versions différentes, autant de possibilités. Laquelle est la vraie ? Où se situe la vérité ? Entre poésie et onirisme, Rashômon explore les méandres de l'esprit humain empêtré dans ses paradoxes et ses contradictions.
Malgré son jeune âge, Ryūnosuke Akutagawa, auteur japonais du début du XXe siècle a très vite connu le succès en écrivant de nombreuses nouvelles souvent inspirées de contes anciens. Rashômon est très certainement la plus célèbre, grâce notamment à son adaptation sur grand écran en 1950 par l'un des maîtres du cinéma nippon, Akira Kurosawa. Malgré le titre du film, celui-ci prend l'essentiel de sa source dans une autre histoire d'Akutagawa, Dans le fourré.
M.K. Deville a repris ces deux écrits pour élaborer un scénario inédit mais qui reste néanmoins très fidèle à la version originale. Le postulat de base est simple : un meurtre, trois suspects. Le déroulement de l'enquête l'est beaucoup moins puisque les trois principaux protagonistes, dont une sorcière se faisant le porte-parole du défunt, s'accusent à tour de rôle de l'assassinat. La question n'est pas tant de savoir qui dit la vérité mais plutôt d'essayer de comprendre pourquoi chacun veut être condamné pour un crime qu'il n'a pas commis. Les codes de l'honneur ainsi que la place de la femme dans la société japonaise aux alentours du XIe siècle sont au centre de ce récit de presque 140 pages. L'utilisation de flashbacks permet de considérer chaque point de vue sans nuire à la fluidité. De même, l'apparition d'un joueur de flûte au visage masqué, une sorte de narrateur virtuel, évite l'emploi de trop longs récitatifs tout en s'intégrant parfaitement dans l'ambiance médiévale de ce conte asiatique.
Au dessin, le travail au lavis à l'encre noire de Philippe Nicloux sert à merveille le scénario. La quasi absence de décors, sinon un temple et la flore de la forêt japonaise, fait la part belle aux personnages et retranscrit fidèlement la sauvagerie de Tajômaru ou la douceur de Masago.
S'il fallait imaginer comment le nô pourrait être adapté en bandes dessinées, nul doute que Rashômon constituerait un exemple parfait. A la fois subtil et théâtral, il embarque le lecteur dans des contrées lointaines, celles des samouraïs, faisant régner la loi du sabre tout en obéissant à leur code d'honneur. Un album de très bonne facture réalisé par deux auteurs niçois, à lire en dégustant un thé vert, ou moins raisonnablement, en sirotant un bon saké.
A lire, l'interview de M.K. Deville et Philippe Nicloux
Rashomon est composé de deux histoires écrites par un célèbre auteur japonais né en 1892 et mort par suicide en 1927 à 35 ans seulement. Un film avait été réalisé en 1951 et avait obtenu un Oscar à Hollywood et un Lion d'or à Venise.
J'ai trouvé le train du dessin assez agréable malgré quelques hachures. J'ai pu constater que l'auteur jouait beaucoup sur la nuance entre le noir et le blanc.
Au niveau de l'histoire, je ne suis pas parvenu à apprécier à sa juste valeur le conte en question. Les thèmes m'ont paru très embrouillés entre l'illusion de la réalité ou le mensonge et la vérité.
Je ne sais pas si c'est la construction elle-même du récit qui fait que je ne me suis pas trop intéressé. J'étais très vite lassé par cet onirisme qui semble explorer l'âme humaine empêtrée dans ses paradoxes et ses contradictions.