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our Jade et Brad, emménager dans une nouvelle maison, c’est le train-train. Ils ne font que suivre leur père dont le parcours professionnel ressemble à une course à étapes dont l’ultime pourrait être Springwood, petite ville d’apparence ordinaire. Le pavillon de la rue Elm qu’ils investissent sera-t-il leur dernière demeure ? Freddy Krueger, légende urbaine locale, attend qu’ils aient les yeux fermés pour frapper…
Quelques mois après avoir livré une adaptation de Vendredi 13 qui se contentait d’offrir un lifting au mythe de Jason Vorhees, Panini comics propose une visite sur le territoire de Freddy Krueger. Cadet d’une lignée d’équarisseurs d’adolescents au cinéma, l’homme au pull à rayures et au gant serti de lames avait théoriquement un avantage sur ses dégénérés acolytes : celui de pouvoir évoluer dans les rêves de ses victimes. L’accès à ce monde sans limites, propice à tous les fantasmes et aux décors les plus extravagants, offrait des perspectives plus excitantes que le seul choix de l’arme du, ou plutôt des crimes. Outre le fait d’augmenter la vulnérabilité de victimes propulsées dans un territoire totalement inconnu, il y avait la possibilité de jouer la carte du délire visuel, que ce soit pour la conception de décors hors normes ou pour dépeindre le croquemitaine lui-même, en jouant notamment sur sa taille et son apparence. De quoi s’éloigner de la figure monolithique du commun des serial-killers typiques du genre virant tendance Grand-Guignol .
Les sept films qui composent la saga ont exploité ce potentiel avec plus ou moins de bonheur. Les deux premiers restaient plutôt les pieds sur terre et jouaient sur le potentiel angoissant de la nuit, sans pousser très loin la carte de l’onirisme. Une chambre sans dessus-dessous au sens littéral du terme et un corps qui retombe dans la mare de son propre sang marqua les esprits. Les autres segments se « lâcheront » beaucoup plus, et emprunteront des voies qui oscilleront entre l’inventaire, le soporifique et le franc n’importe quoi. Pour ceux qui ignorerait tout du personnage, le visionnage des Griffes de la nuit (A Nightmare On Elm Street) et des Griffes du cauchemar (A Nightmare On Elm Street 3: Dream Warriors) leur offrira l'essentiel de la série.
Le recueil Freddy Les griffes de la nuit pioche quant à lui dans ces divers registres, sans les renouveler ni sombrer totalement dans la redite, en jonglant avec les contraintes liées à la publication en fascicules. Au centre de la première histoire, Jade, lycéenne, a évidemment un profil proche de celles des héroïnes du film. Point commun avec les premiers films, l’occasion est d’abord donnée au lecteur de suivre son combat avec cet ennemi extraordinaire et donc sa lutte contre le sommeil. Aucune surprise : l’entourage est incrédule, l’exposé des origines de Krueger est expédié, le sort d’un proche aussi vite réglé, une alliée trouvée. A la limite de la sobriété. En revanche, lorsque le papa, ancien militaire, prête la main à fifille pour mater Freddy avec l’ambition de faire pâlir le pire Rambo de bas étages, difficile de réprimer une méchante grimace. La chute aigre douce, pas désagréable, ne suffit pas à remonter la pente.
La deuxième histoire joue sur d’autres ressorts : l’alliance de victimes potentielles et l’appel à une force ancestrale aux accents exotiques pour anéantir la menace au visage brulé. Soit des ingrédients empruntés aux Griffes du cauchemar, des surdoués succédant à de jeunes patients, et aux grands classiques du comics mettant aux prises deux créatures hors normes qui s’envoient des mandales le temps d’une opposition se voulant dantesque. Comme précédemment, le scénariste tente bien d’inclure un peu plus que ce que prévoit le cahier des charges de la franchise avec un sacrifice humain qui ne laissera pas de sang sur les mains de celui qu’on croit. Insuffisant toutefois pour ne pas rester sur sa faim, d’autant que le dessin est tout à fait banal et qu’on ne le sent pas capable de se hisser un ou deux crans au-dessus pour se mettre au diapason d’un récit d’une autre envergure, privilégiant les incursions oniriques.
Question classique lorsqu’il s’agit de constater qu’une BD horrifique tombe à plat : souffre-t-elle de l’absence d’un atout précieux que possèdent les films ? Une bande son. Un bon petit thème bien senti qui ponctue les apparitions du meurtrier, une bonne montée de cordes, par exemple, qui accompagne le mouvement de l’adrénaline, le bruit des lames de Freddy contre un tuyau, autant d’éléments qui renforcent l’ambiance. Il sera toujours possible de relativiser en mettant quiconque au défi de siffloter un extrait du score original de Charles Bernstein et en se rappelant que, années 80 obligent, la bande était truffée de morceaux de groupes en vogue réunis dans un patchwork pas toujours très heureux (rappelez-vous le clip de The dream warriors du groupe de hard Dokken, des habitués des combis cuir aux couleurs variées et des permanentes impeccables, pour réellement commencer à trembler). Sur papier, rien de tout ça évidemment. Seulement une comptine, qu’on aura « plaisir » à fredonner, en se disant qu’il y avait probablement mieux à proposer que ce volume sans relief pour l’accompagner…
Trois, quatre, remonte chez toi quatre à quatre
Cinq, six, n'oublie pas ton crucifix
Sept, huit, surtout ne dors pas la nuit
Neuf, dix, Freddy est caché sous ton lit !!!
Un, deux, voilà Freddy l'affreux
Trois, quatre, attention il va te battre
Cinq, six, saisis-toi vite d'un crucifix
Sept, huit, reste éveillé toute la nuit
Neuf, dix, si tu t'endors s’en est fini !!!!
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