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orsque des aliens belliqueux débarquent, Rosalinde n’hésite pas une seconde : elle tape dans le tas. L’invasion de la Terre n’aura pas lieu, et quel que soit l’endroit de la planète où ils posent leurs sales tentacules, l’ancienne agent des services secrets sera là pour les tailler en pièces. Même si ça pue, même s’il faut s’allier avec la bimbo appelée Muchu qui avait fait s’écarter feu son époux des engagements conjugaux. La menace éradiquée, Rosalinde est vite reléguée au rang de symbole et contrairement à De Gaulle en son temps qui n’a jamais envisagé un rôle aussi accessoire, le sien se limite à inaugurer les chrysanthèmes (et les routes, et les frontières, et les fêtes, et les expos, et…). Le groupe des 7 qui souhaite imposer sa vision, floue mais dictatoriale, de ce nouveau monde à reconstruire ne souhaite pas s’embarrasser de cette icône et de son associée siliconée.
Ah la belle tranche de délire ! Vous voulez une bataille avec des extra-terrestres qui charcle, qui dépouille, qui ensanglante protagonistes et décors ? OK, en 25 pages, pas une de plus, le monde est sauvé. En ruine soit, les survivants sont en piteux état et l’air y est nauséabond mais il est sauvé. Place à la reconstruction et à la Paix sur Terre. L’occasion de souffler, de ronronner ? Pensez-vous, après le mariage de la carpe réactionnaire et de la (chaude) lapine révolutionnaire, place aux complots, aux viles machinations et aux ambitions pour le bien du plus petit nombre. Sept en l’occurrence. Mal assortis, nombre de crétins notables dans le lot, sûrs de leur fait et surtout de leurs fins. De quoi en tirer une allégorie sur le pouvoir, la situation à l'époque de l’après-guerre, le sort réservé au Général, les technocrates et autres drogués du sondage et des techniques mercatiques ? Vous devez vous tromper de crémerie, on n’est pas là pour ça. Rosalinde est aussi bornée que ses idéaux sont has been, et Muchu remarquable de clairvoyance par instants que futile et inconséquente dans la minute qui suit.
Si fable il y a c’est parce que le lecteur a voulu jouer son propre jeu, traçant sa voie comme un fantassin au milieu des rafales de mots réunis en chapelets qui claquent, des situations félonnes qui visent à abattre le héraut potentiellement dangereux s’il venait à être contaminé par la lucidité de son improbable complice. Les coups sont bas, l’intelligence de l’ancien agent secret n’ayant rien à leur envier de ce point de vue. Sa mission dans un Paris dévasté où elle se frotte aux tribus de djeuns décadents qui se partagent les quartiers en offre une belle illustration. Exagéré le jugement à propos des capacités de la baroudeuse aux seins en forme de gants de toilettes ? Attendez d’avoir lu l’avis de l’auteur au détour d’une double page consacrée au sujet et vous verrez qu’il est plutôt charitable ce jugement. Celui du conteur est irrésistiblement accablant, au point de presque se sentir gêné pour le personnage qui ne suscite pourtant pas d’empathie particulière.
Dans un style graphique qui évoque C. Caillaux (Les imposteurs) et surtout C. Gaultier (Kuklos, Robinson Crusoe), Thomas Canède livre donc un OVNI, un récit débridé qui rudoie ses personnages et maltraite tout ce qui les entoure. Les flirts avec le délire s’abandonnent souvent à la roue libre pour finir dans le fossé, et Dieu sait que Rosalinde ne ménage pas sa jante, mais le numéro d'équilibriste tient la route. Voilà qui donne la banane ! (sévère)
On aura tout vu ! Rosalinde est une vieille mamie qui va faire la peau aux extra-terrestres dans les premières pages de ce récit. Elle devient une sorte d'héroïne nationale, une icône un peu révolutionnaire dont le pouvoir en place va se servir à des fins peu reluisant. Dans cette aventure, elle va être copine avec Mlle Muchu, une femme genre Pamela Anderson qui avait jadis jeté son dévolu sur le défunt mari. Ces deux là vont former un duo de choc.
Le problème de ce récit hallucinant, c'est que rien ne semble s'enchaîner dans une parfaite cohérence. Même si on admet certains postulats avec beaucoup de largesse, on semble s'égarer en court de route entre un récit qui oscille entre fable politique et absurde. La personnalité de cette mamie que les auteurs ont voulu rendre attachante n'y fera même pas.
En conclusion, la mayonnaise ne prend pas et c'est ainsi. Cette satire politico-sociale est beaucoup trop déjantée et lorgne par ses allures sur une certaine Lola Cordova...
On pourra apprécier une certaine fraîcheur des dialogues mais objecter un graphisme trop contemporain. Cependant au niveau de l'histoire, cela va vite conférer à l'ennui.