L
es Tokugawa règnent sur un Japon en paix. De ce fait, de nombreux samouraïs ne trouvent plus d’employeurs. L’esprit du bushido demeure pourtant vivace et même ceux qui ne sont pas nés guerriers conservent ce code d’honneur chevillé à l’âme. Ici, un intendant parvient à faire passer à son jeune seigneur ses humeurs atrabilaires en l’obligeant à manger sa propre chair. Là, une imposante châtelaine force l’admiration par sa pugnacité et son humilité. Ailleurs, un vieillard résoud le différend qui ronge deux villages par son propre suicide par décapitation…
La force des humbles est un recueil de dix nouvelles de Hiroshi Hirata (Satsuma, l’honneur des samouraïs, L’Âme du Kyudo), parues entre 1991 et 1993 dans un magazine des éditions Kodansha. Chacune des histoires s’inspire de faits réels dont l’auteur a recherché la trace et établi l’authenticité en se plongeant dans les archives. Mettant en scène des personnages d’exception, au cœur fier, prêts à se sacrifier pour que triomphent justice et sagesse, le mangaka trace une fresque réaliste du Japon féodal, tout en faisant passer ses messages sociaux. Les relations entre puissants et subalternes, la folie liée à un conflit au sujet de la pêche dans une rivière, la difficulté à survivre pour les rônins, sont mis en lumière. Certaines nouvelles s’avèrent impressionnantes, comme celle de cet intendant qui cherche un remède pour son maître et dont Hirata a produit deux versions, dont la première, datée de 1961, est proposée en bonus. Quoique non exempt d’une appréciable pointe d’humour, le ton par trop professoral, qu’on retrouve dans les quelques pages suivant les récits, dans lesquelles l’auteur explique ce que le lecteur pourrait ne pas avoir compris, peut cependant lasser rapidement. Ce qui est un peu dommage. Quant au dessin, fouillé et précis, il accompagne magnifiquement cet ouvrage. Aux scènes violentes – parfois à l’extrême – et pleines de vie succèdent des passages plus méditatifs qui, eux, semblent quelquefois trop figés et rigides. En revanche, les sentiments et les caractères des protagonistes sont parfaitement rendus et le trait d’Hirata leur confère une présence incontestable.
Bon album dans l’ensemble, La force des humbles se lit à petites doses si on préfère ne pas succomber à un trop plein de cours magistraux sur cet univers nippon aussi fascinant que difficile à saisir.
Très récemment, j'avais lu ma première oeuvre de Hiroshi Hirata à savoir L'Âme du Kyudo. J'avais été assez impressionné par son style. Il décrit à merveille les us et coutume du Japon médiéval. Il est rigoureux dans la manière de nous conter son histoire qui se base sur des faits réels. On apprend beaucoup de chose tout en se divertissant. C'est intelligent dans le principe.
J'ai voulu prolonger mon expérience par "la force des humbles" et je dois dire que je suis un peu déçu. Ce recueil de nouvelles sur l'esprit des arts martiaux et la philosophie du bushido est bien fait. Cependant, il n'arrive pas à la cheville de ce que j'avais lu précédemment.
L'auteur avait l'intention de nous éloigner de la petitesse des préoccupations égocentriques et intéressées de la majorité des soi-disant élites qui prétendent nous gouverner en apportant par ces récits une bouffée radicale d'espoir à méditer. Le sens du don de soi et du sacrifice comme philosophie de base. C'était bien ambitieux. Je ne crois pas pour autant que le but soit atteint. Comme dit, c'est l'intention qui compte...