]« Pour les 15 millions de spectateurs qui vont s’entasser sur le bord des routes, vous êtes le Père Noël en juillet ». Cette brillant slogan adressé aux participants du défilé publicitaire précédant le peloton du Tour de France ne jure pas avec la cafétéria miteuse où elle est prononcée. Le discours s’achève sur la promesse de l’élection, à la fin de l’épreuve, de la meilleure caravane. Tout un programme ! Au fond de la salle, trois hommes que ce challenge ne semble guère passionner sirotent du petit rouge. Sans doute est-ce par conscience professionnelle, car distribuer des verres de piquette pour vanter les mérites de la commune de Surseines sera leur boulot pour les trois semaines à venir. C’est ainsi que le trio va prendre place à bord d’un de ces mythiques Citroën type H gris, pour s’installer au beau milieu de cette parade de bon goût aux couleurs criardes.
L’auteur, Germain Boudier, semble se complaire à monter ses récits dans ce qui relève du petit. Il aurait pu voir grand et s’attaquer à la légende, mais préfère s’atteler à ce qu’elle véhicule comme à-côtés. Peu importe ce choix, et à la limite tant mieux, car il concrétise là, tout en affirmant son style d’un point de vue graphique, les possibilités que laissaient entrevoir Le Serin est un pigeon comme un autre et La saison du Serin. Son dessin gagne en régularité, exprime les choses avec simplicité et pointe du doigt de truculents détails qui peuvent, pour peu que le lecteur en soit friand, maintenir chez ce dernier un sourire en coin tout au long de sa lecture. Dans ce contexte, la gestuelle des personnages, qui peut paraître de prime abord un peu balourde, s’inscrit naturellement dans le ton du récit. Les couleurs passées achèvent de donner à l’ensemble une mélancolie de fond et une atmosphère des plus désuètes.
Le développement de la personnalité des principaux protagonistes est savamment orchestré, avec un voile qui se lève sur les traits de caractère de chacun au fil de la lecture. Inévitablement, les trois gus qui ne se connaissaient pas vraiment avant le départ, vont être confrontés aux désagréments de la promiscuité. Pierre conjugue avec habilité une apparence de simplet et de perdant avec une propension à être salement obnubilé quand il a une idée en tête. A l’opposé, Henri respire l’assurance virile du gagneur. Derrière cette façade, c’est la mesquinerie qui resplendit. Enfin, Jean, homme de devoir devant l’Eternel et surtout éternel stressé, se pose en responsable. Imaginez-donc la dimension que cette conviction peut prendre dans son esprit alors qu’il se retrouve missionné par sa mairie avec deux zigotos de la trempe de Jean et Henri.
L’équipe trouve sa place au sein d’un dispositif qui a ses règles, tacites, cela va de soi. Les anciens aiment à être y reconnus comme tels et savent, le cas échéant, remédier à ce qui peut passer pour un manque de respect. D’autant que le challenge de la meilleure caravane n’est pas motif à plaisanterie, l’occasion est trop belle de se donner un peu d’importance dans un bien triste quotidien. Ce sont là les fondations de ce « road BD » qui creuse son sillon au beau milieu de la « France en marche ». C’est sans doute là le bémol qu’il est possible d’apporter à la réalisation de cet album, avec des épisodes qui frôlent parfois le granguignolesque et s'étirent parfois trop. Mais s’arrêter sur ce seul constat serait dommage, car cette chronique porte en elle beaucoup de qualités que le regard amusé et aiguisé de Germain Boudier transpose avec acuité sur le papier.
Plus qu’un Tour de France, c’est le Tour du Folklore qu’il vous est donné de découvrir dans ce premier tome où les vélos se font d’une discrétion absolue.
L'idée est bonne, le dessin plutôt sympa mais il manque un "truc". Le truc qui aurait rendu la bd agréable. Cela manque de cohésion dans le scénario, l'humour est plat, sans relief.
C'est l'histoire de trois types qui se retrouvent aux commandes d'une camionnette distribuant du vin dans la caravane du Tour de France !
Ces trois types, comment peut-on bien les qualifier ? Ben ... Ils sont un peu alcooliques, un peu voleurs, un peu profiteurs, un peu veules, un peu inhibés sexuel, égoïstes, combinards, mesquins ...
Pourtant ils deviennent attachants et ces quelques semaines sur les routes, loin de leurs quotidiens minables et après quelques quiproquos vont les faire humainement progresser.
Un très bon moment de lecture sur 2 tomes (1 Euro 99 chacun chez Noz)
Avec le Serin, Germain suivait un certains nombres de codes préétablis pour correspondre à un genre, le polar. C’est une facilité, un confort pour un scénariste qui peut ainsi faire appel à l’imaginaire collectif de ses lecteurs, déjà riche de nombreuses œuvres antérieures: pour le Serin, roman noirs, films noirs, plus particulièrement les films noirs français des années 70, ou autres bd noires où évoluent des privés ou des flics losers qui deviennent ainsi des sortent de parents du Serin. Ce faisant, Le scénariste sait qu’il peut utiliser tout un tas de situations archétypales qui vont être attendues par le lecteur qui sera content de les retrouver et qu’il n’aura pas besoin de creuser trop en profondeur, parce que d’autre ont déjà défriché le terrain avant lui. C’est une facilité qui n’empêche pas de produire des œuvres de qualité, bien au contraire. Elle permet de construire relativement rapidement une intrigue efficace et donc ensuite de se concentrer sur les petites touches supplémentaires, les petites particularités qui vont faire l’originalité de l’histoire lui donner une ambiance un peu à part, qui vont lui permettre de se démarquer un peu des autres œuvres du genre. Dans le Serin, et particulièrement dans le second, ce qui est particulièrement bien réussi, outre les dialogues, c’est la peinture sociale de ces beaufs. Ils ne sont pas vus de façon glorieuse et complaisante, mais pas non plus dénigrés outre mesure, ils sont présentés dans toute leur absurdité, certes, mais avec pas mal de poésie. Avec une pointe d’humour ironique, peut être, mais aussi avec beaucoup de tendresse, ce qui les rend attachants et, quelque part, très réels. Le tour en caravane, première étape, est le premier tome d’une série qui en comprendra deux et qui devait au départ sortir dans la défunte collection 32 de Futuropolis. Ayant bien affûté ses crayons sur le Serin, Germain se lance ici dans un projet encore plus ambitieux. Ne délaissant pas l’ambiance des films français des années 70 qu’il affectionne particulièrement (vous retrouverez Jean Pierre Marielle et Gérard Depardieu au casting) il abandonne par contre les codes du polar pour se lancer, avec bonheur, dans une narration beaucoup plus personnelle et originale. Son idée de départ est de continuer à explorer cette France dite profonde, déjà aperçue dans le second Serin, il est donc tenté par l’idée d’un road movie, genre beaucoup moins codifié que le polar, et il trouve un angle d’approche qui est à la fois intelligent et original, nous faire suivre trois losers, Pierre, Henri et Jean, au sein de la caravane publicitaire du tour de France. Le tour de France, c’est une institution dont nous explorons ici les coulisses les plus méconnues. Au mois de Juillet, l’Europe est en vacance, il se passe rarement grand chose, tous les yeux sont tournés vers ce spectacle ultra médiatique. C’est à la fois un événement populaire, qui touche au cœur ces masses laborieuses que Germain cherche à nous peindre, et un énorme enjeu financier. La rencontre entre deux mondes. Une rencontre paradoxale que symbolise bien cette caravane publicitaire, qui est un des nerfs de la guerre, mais sur laquelle l’attention n’est jamais focalisée. Nos trois héros sont donc au milieu de cette caravane publicitaire. Cette caravane publicitaire est sensée attirer l’attention sur elle pour faire vendre. Elle fait partie du plus gros show télévisé du mois de juillet. Et pourtant, ces trois ringards n’ont à peu près aucune chance de se faire remarquer. Toutes les caméras sont braquées sur eux, mais personne ne peut les voir. Ainsi le titre de meilleure caravane du tour qui sera décerné à la fin du voyage et que certains participants semblent convoiter avec une ambition démesurée, est finalement aussi glorieux qu’un titre de Miss camping. Mais tout cela, Germain n'insiste pas dessus, il n'insiste pas sur l'aspect bassement commercial de la chose, sur le ridicule de ce spectacle, de ce grand divertissement qui n'est en fait que publicités. Il ne nous parle pas non plus des affaires de dopage, ni même des aspects sportifs. Tout cela, c'est la toile de fond, le décor, ces éléments sont très présents et le lecteur est assez intelligent pour s'en rendre compte sans avoir à insister dessus. Germain lui, se concentre avant tout sur l'aspect humain. Sur l'influence que tout cela va avoir sur ses trois personnages principaux et sur tout un tas de personnages secondaires, dont certains biens barrés. Ces trois bons vivants, qui ne prennent pas tout ça trop au sérieux font un peu tâche au milieu de cette caravane, à bord de leurs vieille camionnette Citroën à distribuer le vin de Surseine, une fameuse piquette dont ils doivent se montrer les dignes ambassadeurs. Trois caractères bien différents, ce qui est source de tensions, mais un certain nombre de valeur en commun qui rend l'amitié de ces bras cassés crédible et attachante. Mais ce qui est étrange, dans ce contexte un peu extraordinaire c'est la sensation que l'on a, tout au long du récit, qu'ils marchent sur une corde raide, qu'à tout moment tout peut basculer et tourner soit à la gloire, soit, plus souvent, au drame. Et l'on est parfois à deux doigts de basculer. S'installe ainsi, une arythmie étrange et agréable où la routine des journées dans la caravane se voit émaillée de situations qui prennent des allures, parfois aigre douces, souvent un peu burlesques, mais où une certaine tension s'installe aussi peu à peu, au fur et à mesure que l'on découvre les personnages et que l'on se rend compte que certains ont des choses à cacher et qu'ils sont plus ambigus qu'il n'y parait. Mention spéciale, aussi, à la mise en scène et au découpage du final de ce premier tome qui est tout bonnement virtuose. Moi qui vous écrit, je ne sais pas où Germain compte nous emmener. Je n'ai pas envie non plus qu'il me le dise, j'attends avec impatience de le découvrir dans le prochain tome et de le suivre, où qu'il aille. Le Serin était un très séduisant exercice préparatoire, avec le tour en caravane, on passe à un niveau encore au dessus, ce sont les bases d'une oeuvre, dont on peut certes retrouver des influences, mais qui n'en reste pas moins profondément personnelle sensible et originale.