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aul, un vieux peintre en pleine création, converse avec son modèle, sa muse, la Femme. Il est lancé dans un long discours sur ce qui constitue la Beauté de cette dernière, en opposition à une certaine laideur qui serait propre à l’Homme. Ses réflexions ne se cantonnent pas au domaine de l’apparence et des corps, même si cela n’est pas exempt de sens à ses yeux. Tranquillement, la discussion se laisse dériver entre vision universelle et personnelle, Paul se mettant petit à petit à nu.
Un peu à la manière de ce qu’il a réalisé dans Roberto, Baudoin retrace le parcours d’une vie et essaye de faire déborder cette unité vers une signification plus large. Il est fort probable qu’il livre là, entre les lignes, une part de son propre vécu. Le récit traite des difficultés de compréhension entre les deux sexes, dont l’interprétation des mots et des gestes diffère. De ce constat, il tire les raisons qui mènent à tant d’occasions manquées.
Si, fondamentalement, Baudoin n’a sans doute pas tort sur chacun de ses propos, son exposé déçoit par un manque de discernement et un côté réducteur qui tourne parfois à la caricature facile. Certains passages conservent tout de même leur intérêt, mais ils sont un peu noyés dans la masse. Concernant la réalisation, son trait et son coup de pinceau confirment le talent d'un artiste qui possède indéniablement cette touche de magie qui permet de sublimer le dessin. Cependant, dans le cas présent, l’agencement n’est pas toujours idéal et donne parfois une impression de surcharge, les couleurs dégageant un certaine agressivité. Autant les cases prises isolément regorgent de beauté, autant leur organisation sur les planches est plus inégale : parfois harmonieuse, elle n’est pas toujours heureuse. Ce sentiment n’est pas atténué par la grande densité des textes qui, sur un fond poétique et imagé, peuvent finalement s'avérer déconcertants, voire agaçants.
L’arleri, « petit oiseau du midi qu’on dit sans cervelle, fragile, sautillant, étranger à la raison des hommes », un peu comme le contenu de cet album qui devrait plaire à ceux qui retrouvent une part d'eux-mêmes dans cette définition proposée par l'éditeur.
Par D. Wesel
Entre le peintre et son modèle s'établit une relation particulière, privilégiée, comme si la mise à nu de sa muse forçait Paul à se dévoiler. Il déroule ainsi l'histoire de sa vie, dans une version naturellement teintée d'égocentrisme. Parmi les thèmes développés au cours de ce long huis clos, voguant entre réalisme exarcerbé et envolées lyriques, c'est la sexualité, et de manière plus générale la relation homme-femme, qui occupe le devant de la scène. Quoi de plus normal pour un artiste confronté depuis si longtemps à la nudité, qu'elle soit féminine ou masculine ?
Il est difficile de donner crédit à l'auteur pour toutes les théories mises en avant, avec un aplomb qui dépasse l'entendement, par un personnage fictif, vieilli, qu'on devine être le prolongement de lui-même. Il n'importe, car son but n'était sûrement pas de faire de ses paroles du pain béni pour les ouailles que nous serions à ses yeux. Il propose simplement une vision du monde, personnelle, dans laquelle il est tentant de s'aventurer... et de se perdre. Libre à chacun d'y adhérer ou non. Le fait de se reconnaître, en tout ou en partie, dans cette personnalité qui se livre sans retenue, si ce n'est celle du mensonge occasionnel et sans grande importance, aidera sans doute à en saisir le sel.
L'impression générale laissée par cet arleri, trouvant son origine dans un dessin virtuose mais pour le moins déstabilisant, est en tous points conforme à l'esprit qui l'a animé toute sa vie. Flou, instable, désarticulé, fait de prises de vues réelles mais surtout d'une image plus fantasmée de cette même réalité, le graphisme regorge de nuances, de petites touches subtiles qui mettent en lumière émotions et sentiments divers. L'ambiance confinée, née de cet espace cloisonné, est propice aux confidences d'un homme et d'une femme qui, séparés par la toile, peuvent enfin se parler.
Connu et reconnu pour sa grande maîtrise du noir et blanc, Baudoin impressionne ici par ses couleurs franches qui, jetées parfois avec violence, se fondent dans une allégorie de l'existence humaine. Où les aléas de la vie trouvent une figuration digne de leur force et de leur tourment, où la passion dévorante des êtres donne à un art éblouissant la chance de briller de mille feux.
Livre en couleurs d'Edmond Baudoin. C'est rare il faut donc le noter.
Cette conversation entre un peintre (âgé) et son modèle (jeune) ouvre une réflexion sur la relation homme/femme.
A travers une histoire certainement teintée d'autobiographie, Edmond Baudoin nous livre des pensées, points de vue sur ce qui sépare les sexes,les attirent rendent les points de vue différents. C'est aussi un hommage respectueux aux femmes.
En plus c'est très beau!
Cela faisait tellement longtemps que je devais découvrir le travail de Baudoin. D’abord attirée par ce corps aux contours flous en couverture, j’ai parcouru ces pages entre aquarelle et encre de Chine en étant autant séduite par les scènes d’atelier et les corps à corps sublimés que déçue par le travail en extérieur (notamment quand la « photographie » s’en mêle.) Si certains passages portent de belles idées ou de bien jolis mots, L‘Arleri pèche peut-être finalement par ses bavardages excessifs qui provoquent l’essoufflement du lecteur, las de certaines redondances qui auraient pu être évitées. Graphiquement parlant, je crois que j’attends de découvrir un Baudoin plus sobre, moins dispersé dans des techniques un peu trop criardes ou surchargées comme j’ai pu l’entrevoir dans Salade niçoise ou Tu ne mourras pas. Du noir et blanc plus puissants, plus percutants. Besoin « d’autre chose » pour être réellement convaincue.
La chronique complète: https://aumilieudeslivres.wordpress.com/2015/01/06/larleri-baudoin-2/
Un vieil homme peint une très jolie jeune fille qui pose nue devant lui. Un dialogue s’instaure entre le peintre et son modèle :
- Elle : Vous êtes vieux.
- Elle : Quel âge avez-vous ?
- Elle : A quoi vous pensez ?
- Lui : Tu me fais penser à ma mère.
- Elle : Votre… ?
Leur conversation les conduit inéluctablement vers les souvenirs du vieil homme, ses premiers amours, sa façon de voir la vie, d’envisager les relations avec les femmes. Le vieil homme dit qu’il a passé sa vie à tenter de « mesurer la distance qui sépare l’homme de la femme ». Tout deux vont cheminer par un habile jeu de questions / réponses vers une approche de ce qui parfois ressemble à un fossé ou peu paraître tout aussi imprécis.
Edmond Baudoin joue avec ses personnages et entraîne ses lecteurs dans une valse colorée et chatoyante. Il dévoile l'intimité de chacun d'entre eux, comme il aime aussi se dévoiler lui-même, mais toujours avec pudeur, sensibilité, tendresse et intelligence, nous invitant ainsi à sonder notre propre intimité, à sonder nos secrets, à chercher nos propres réponses.
Son dessin accompagne merveilleusement les tâtonnements du peintre et de l’auteur, leurs découvertes communes de la sensualité, révélant la beauté des femmes, leur complexité et leur ambivalence. Une maîtrise parfaite de la couleur, des richesses chromatiques, font de ce maître du Noir et Blanc, un artiste joyeux, heureux de ses dessins, de sa peinture. L’arleri devient une nouvelle œuvre intimiste, qui donne à Edmond Baudoin l’occasion de continuer à questionner ses racines, fussent-elles familiales, intellectuelles, culturelles ou artistiques. L’homme, l'artiste, aime à se confondre avec ses personnages de fiction, jusqu’à devenir lui même jeune, vieux, homme, femme, peintre, modèle. La diversité des points de vue offre une illustration complète de l’humain dans toute sa complexité. L’amour, l’amitié, la rencontre entre deux êtres est le carburant de son œuvre créatrice… et de sa vie toute entière.
Merci monsieur Baudoin, pour le plaisir que vous partagez si chaleureusement.
Un livre de Baudoin en couleur, mêlant encre de chine et aquarelle. Le résultat est particulièrement beau et expressif.
Obsessions baudoinesques, d'emblée : le peintre et son modèle ; la quête amoureuse ; et, bientôt, l'histoire personnelle. Le peintre et le modèle engagent un dialogue, autour de réflexions du peintre, contant son histoire sentimentale au modèle. Vers le milieu du récit, l'auteur reprend la main, si l'on peut dire : p. 47 : "Pourquoi dois-je rester nue ?" demande le modèle ; "parce que celui qui nous dessine cherche à comprendre quelque chose de la femme, avec ta nudité". Dès lors l'auteur, toujours masqué derrière le vieux peintre, est néanmoins dévoilé et le récit devient proprement le sien. Le peintre / l'auteur devient le modèle, et le modèle le peint. Puis ils se peignent eux-mêmes...
L'ensemble est réjouissant. Il conte l'aventure sentimentale et sexuelle de la génération de 1968.