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ne ville, perdue au milieu de nulle part, sous un soleil de plomb. Un homme arrive, à cheval, jette deux corps inertes devant deux gardes médusés et s'en va tranquillement à l'hôtel, sans même réclamer sa récompense. Que voici un chasseur de primes pas comme les autres. Et cela se terminera comme cela devait se terminer, par un affrontement avec le shérif local... un de ceux qui font la légende de l'Ouest...
Abandonnant le temps d'un album ses Stryges adorés, Richard Guérineau s'offre avec Après la nuit un western d'une rare intensité. En compagnie de Henri Meunier, co-scénariste, il s'inscrit indéniablement dans la tradition du genre : décor typique d'une petite ville isolée, où la loi est toujours celle du plus fort, quelques gueules cassées pour faire bonne mesure, le tout sur fond de rancœurs tenaces et de vieilles histoires à ne pas déterrer. Il ne s'agit pas ici d'un western trépidant qui, avec force fusillades, mise tout sur l'action pour mener le lecteur à bon port. Non, la violence est plutôt latente, comme prête à exploser, et passe par des regards, des attitudes, quelques mots de provocation... Avec pour résultat une tension permanente, née d'une rivalité naissante qui ne peut s'achever que dans la mort.
La psychologie des personnages est ainsi le principal ressort dramatique de l'histoire. Il convient dès lors de souligner le soin apporté à chacun d'entre eux : leur physique, leur personnalité et leur comportement se répondent à merveille, les auteurs ayant de nouveau réalisé un savant mélange de classicisme, avec les figures incontournables, et de parfaite appropriation, avec quelques originalités fort appréciables.
Concernant le dessin de Guérineau, ceux qui avaient opté pour le tirage limité en noir et blanc, publié peu avant l'édition normale, ne pourront que se féliciter de leur décision. Le dessinateur du Chant des Stryges parvenait en effet, par un excellent jeu d'ombre et de lumière, à souligner la tension que lui et Meunier se sont efforcés de distiller dans leur récit. Que ce soit pour les gros plans centrés sur les visages ou les plans larges de paysages désertés et de saloons à l'ambiance feutrée, le rendu échappait à toute critique.
Les couleurs signées Raphaël Hédon viennent quelque peu modifier la donne. Trop lumineuses, mal dosées, elles ne procèdent pas toujours de choix très heureux dans leur tonalité. L'ensemble perd en expressivité et les atmosphères oppressantes des planches originales n'ont plus autant de force. Plus qu'un défaut de la part du coloriste, c'est avant tout le choix éditorial qui est à remettre en cause. De quoi regretter amèrement que la couleur paraisse incontournable pour un titre « mainstream », comme si le noir et blanc ne pouvait se suffire à lui-même que pour des albums plus confidentiels ou intimistes. Le succès rencontré par Billy Wild, par exemple, tend pourtant à prouver le contraire.
Au final, sans renouveler un genre qui compte nombre de références, en littérature comme au cinéma, Meunier et Guérineau livrent un one-shot de qualité qui ménage quelques bonnes surprises, au scénario comme au dessin. Curieusement, alors que l'impression d'ensemble est positive, une seule question demeure : fallait-il vraiment y ajouter de la couleur ?
J'étais passé à côté de la sortie de ce one-shot à l'époque de sa sortie (14 ans déjà), il était temps que je le lise et voici finalement ce que j'en retiens:
- Peu de dialogues (voire les quatre premières planches, tout passe par le dessin et le découpage)
- Un scénario qui joue sur certains archétypes et s'avère plus malin et inattendu que prévu
- Une psychologie bien fouillée
- Une tension palpable au fil des pages
- Des dessins corrects, un cadrage très cinématographique au service d'un rythme lancinant mais jamais ennuyant
Un western résolument sombre, adulte et absolument non-manichéen, doté d'un ton et d'une ambiance plus proche d'un Sergio Leone que d'un Lucky Luke. Les auteurs ont su déjouer mes attentes et les codes du genre pour accoucher d'un excellent résultat.
"Après la nuit" fait partie de ces westerns sobres et efficaces que j'aime avec un arrière goût des films de Sergio Léone. On sent également l'influence de John Ford. Il ne manquerait plus que Clint Eastwood apparaisse au détour d'une case...
La tension va en crescendo dans cette petite bourgade de l'Ouest sauvage. Le dessin est quasi magnifique notamment les visages des différents protagonistes. L'affrontement entre un shérif légendaire et un jeune usurpateur mystérieux promet dans ce bled isolé du Kansas.
Pourtant le final n'est pas à la hauteur de ce qu'on pouvait légitimement espérer. Cependant, pour une fois, cela ne m'a pas dérangé en outre mesure. La raison est que l'atmosphère ainsi que la psychologie dominent nettement sur le reste. Le scénario est suffisamment haletant pour décrocher la timbale. Le western a encore de beaux jours devant lui s'il atteint à chaque fois cette qualité.
Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4/5 - Note Globale: 4/5
J’ai adoré les dessins, plutôt sobres mais très efficaces. Les personnages sont aisément reconnaissables, les mouvements se lisent très bien, les cadrages sont variés,
J’ai beaucoup aimé l’ambiance, lente, pesante, très western (ce qui tombe bien puisque c’en est un), avec des couleurs qui participent grandement à rendre le tout prenant, lourd.
Les personnages ne sont pas mauvais – on ne peut pas dire que pour la plupart d’entre eux, il y ait une profonde analyse psychologique complexe mais vu que l’action est brève, ça ne gêne vraiment pas qu’ils soit mono-caractériel…
L’histoire n’est pas inintéressante, de la prostituée à ce jeune en passant par le shériff, les choses se posent lentement et se développent proprement.
Alors d’où vient le sentiment qu’on n’est face à un bel album et pas un chef-d’œuvre ?
Pour moi, ça vient de cet esprit très posé, tranquille, qui finalement met de la distance, qui atténue les passions…
Roméo et Juliette, c’est flamboyant, c’est désespéré, c’est extrême.
Là, toute grave que puisse être n’importe quelle situation, il y a une pesanteur tranquille, un calme mesuré qui empêche, à mon goût, qu’on palpite pour ce qui se passe.
Mais ça reste un très bel album !
Guérineau fait une parenthèse western le temps d'un on-shot... et il a bien fait. Son utilisation détournée des codes du western est tout à fait dans la lignée des Sergio Leone. La tension psychologique est parfaitement rendue.
Une réussite.
Un dessin plutôt agréable, une intrigue qui tient la route mais qui n'est pas vraiment haletante, et qui ne laissera pas un souvenir impérissable. La preuve en est le titre qu'il a fallu que je recherche pour rédiger cet avis, alors que je l'avais lu à peine une heure avant.
Un one-shot de Delcourt à ranger à coté d'autres bouquins de l'éditeur, comme Chiens De Prairie, Après La Nuit nous fait dans le style Spaghetti western et c'est une petite réussite, malgré des petits défauts, surtout dû à l'usage abusif des flash-back qui nuisent un peu à la compréhension immédiate. Problème résolu à la deuxième lecture, mais n'est-ce pas un aveu de faiblesse. Niveau dessin, Guérineau est égal à lui-même, malgré un registre historique fort différent auquel il nous avait habitué avec ses Stryges.
Je reste sur ma faim sur ce One Shot... Comme si j'étais passé à côté...
Mais je crois savoir pourquoi...
Le scénario est très psychologique et fonctionne bien dans cette ambiance western.
Peu de personnages mais on y retrouve les principaux dans cette ville qu'est Bartlesville (Le sherif Stanton, le mystérieux homme se faisant appeler "Jedediah Cooper", & la prostituée amochée) entourés de quelques autres secondaires.
Peu de dialogues mais ce silence n'est pas ennuyeux car la tension subsiste dans les regards des personnages : d'où un dessin réussi de Guérineau (tous comme ses dialogues très crus mais qui collent parfaitement à l'ambiance du western...).
Bref, sans en dévoiler la fin (qui n'est pas étonnante mais là n'est pas le problème puisque, j'insiste, c'est une histoire axée sur la psychologie des personnages) :
Certains passages m'ont "gênés" où plutôt certaines cases (notamment celle où on voit pour la 1ère fois le visage du jeune homme dans le bar : la dentition de ce dernier est mal rendue : on dirait qu'il n'a qu'une seule dent & ressemble à un lapin vêtu d'un chapeau de cow-boy !!! Ce qui le rend peu crédible... où bien, & elles m'ont vraiment mises mal à l'aise, celles où on voit le shérif confronté, jeune, à sa première victime... un homme noir... & je vous promets qu'à certains moments ce dernier ressemblait + à un animal pas forcément élogieux si l'on en fait la comparaison avec la couleur de peau...).
Tous ces petits détails + les lectures de certaines critiques me font comprendre que le problème est la mise en couleur de cette histoire qui, à mon sens, aurait eu tout intérêt à rester en N&B...
Dommage car cela reste une histoire originale & plaisante mais à laquelle je mets un 6/10 pour cette couleur qui fait descendre ma note...
Comment retranscrire un western de Sergio Leone dans une BD. Je crois que voilà la réponse, avec ce 'Après la nuit' où on retrouve des ambiances trés western, lents, sombres, on entend même la musique en le lisant...
Trés bien !!!!
Je suis ambigüe à noter cet album. Ni fan des westerns, mais fan des oeuvres bien
faits, je demeure un peu surprise du résultat de cette histoire.
Effectivement on pourrait retrouver la lenteur d'Il était une fois dans l'ouest. Un jeu
de prismes où ce qui paraît être n'est qu'illusion.
Tout les éléments du far west sont présents. Un peu plus, on entendrait une
harmonica. Pas mal mais ne passera pas à l'histoire.
Un western du style Sergio Leone, lent et pleins de tensions cachés, avec des gueules qui collent à l'atmosphère de ce récit finalement simple de cet affrontement où personne n'est ce qu'il semble être. On est pris dans cette histoire très bien mies en image? Lu en couleur, peut-être effectivement le noir et blanc est plus adapté. Très bon album à lire.