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'amour... S'il y a bien un thème qui a été traité de long en large, dans tous les médias, depuis la nuit des temps, c'est celui-là. Alors, pourquoi un collectif sur un sujet si vague et si vaste, déjà abordé par d'innombrables auteurs ? Si l'on est en droit de se poser la question, il est indéniable que Pommes d'amour parvient à imposer son propre caractère, principalement en présentant plusieurs histoires courtes à différents moments de la vie amoureuse d'une femme.
Ouverture du bal par claire Lenkova et succession de souvenirs d'enfance, sans réel fil conducteur, comme des instantanés d'un passé dont on se souvient par bribes et non comme un déroulement linéaire. L'aspect un peu veillot du dessin donne l'impression de parcourir un album de photos un peu jaunies par le temps. Toutefois, le résultat pêche par manque de rythme et le texte peu élaboré n'est pas en mesure de soutenir à lui seul l'intérêt d'un récit qui se termine de manière fort abrupte. Finalement, on ne sait trop que penser d'une fillette qu'on n'a pas eu le temps de connaître vraiment.
La deuxième saynette, entièrement muette, n'est pas de nature à rendre plus claires les intentions des auteures. Paz Boïra s'essaie à une représentation visuelle de l'amour, dans un rose plutôt surprenant, sans réellement raconter une histoire. Il s'agit plus de la reproduction fantasmée d'un sentiment encore inconnu dans le coeur d'une ingénue, et qui n'attend qu'une chose : enfin prendre forme, quitte à se frotter à une amère déception. Les détails du propos tenu dans ces quelques planches déroutantes seront laissés à l'interprétation de tout un chacun, sans garantir que tous les lecteurs y trouveront un sens.
Place à l'adolescence avec Laureline Michon, où enfin le rêve fait place à une réalité, celle des sorties en groupe et des rencontres insolites. Insolite, celle que fait le personnage principal l'est certainement. Amusante, aussi, pour le lecteur qui pourra peut-être se rappeler des situations similaires et jouer avec ses propres souvenirs. Les caractères des deux protagonistes, fille et garçon, sont ici bien dosés, en décalage flagrant avec le monde qui les entoure, les oppresse parfois, mais ne les empêche jamais de vivre. C'est une vraie bouffée d'air frais qui est offerte ici, dans un style plus classique mais semble-t-il plus abouti, après deux histoires dans lesquelles il était aisé de se perdre.
La proximité d'un amour naissant fait place à la distance qui peut séparer deux êtres qui s'aiment, deux moitiés qui se cherchent, se trouvent mais ne savent pas forcément rester ensemble. Par un graphisme élégant et coloré, Elodie Durand donne à son personnage une âme douce et volontiers mélancolique mais les paroles égocentrées de cette jeune femme peinent parfois à rendre ses chagrins propices à la compassion.
L'éloignement n'est pas le seul frein aux sentiments au sein d'un couple, Barbara Yelin nous le rappelle très justement en présentant une femme entre deux âges qui se laisse envahir par son travail et ses tracas du quotidien, menant à une situation psychologique difficilement supportable. Si l'on peut regretter une conclusion qui, de nouveau, vient trop vite, le charme opère dès le début par un dessin léché et des couleurs doucereuses qui donnent une impression d'intimité avec les différents protagonistes d'un de ces innombrables petits drames qui émaillent une vie sans pourtant la briser.
La femme en devenir fait ensuite place à celle qui, mariée et mère de famille, tente de faire le point sur sa propre histoire, sa relation avec son mari et son entourage. Ce n'est plus le temps des rêves mais celui du bilan, avec sa part de satisfactions et sa part de regrets. Le point de vue se défend mais le traitement aurait peut-être pu être plus subtil s'il avait bénéficié de plus d'espace. Le cadre parfois un peu absurde de ce dialogue ininterrompu ne tend toutefois pas à crédibiliser les sentiments dévoilés par ce couple au moral un peu miné par trop de tranquilité.
Bouquet final avec Ulli Lust qui présente une femme d'âge mûr, prise entre deux feux à une époque de sa vie où le désir reste vivace mais doit s'accomoder d'une perte de confiance en soi face aux midinettes qu'elle voit défiler dans les couloirs de son immeuble. La psychologie de cette femme est plutôt bien développée et son histoire attachante, accompagnée d'un dessin qui donne une impression d'inachevé, à l'image d'une existence qui, malgré les années, a encore de beaux jours et de beaux moments devant elle.
Une fois la dernière page tournée, il n'est pas facile de se faire une idée précise de ces histoires qui forment un tout à la fois peu cohérent et pourtant agréablement réunis dans un ouvrage qui se profile comme une petite curiosité. Les différences visuelles entre tous ces récits disparates font en sorte qu'inévitablement, la préférence de chacun se portera sur l'un ou l'autre. Le vécu joue également un grand rôle et il sera plus aisé de plonger dans une tranche de vie si, un jour, nous avons éprouvé les mêmes sentiments. Et s'il faut vraiment faire les comptes, Pommes d'amour est finalement un livre à part, difficile à juger, polyforme, mais touchant de sincérité.
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