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our avoir combattu et croisé le regard d'un Dieu, Ramsey Ligorn, sorcier de son état, a perdu l'esprit. Interné dans un asile psychiatrique, il est enlevé par Lönson, dit "Le Céleste Noir", son ennemi juré. Ce dernier, messager de la cause divine, veut prévenir l'humanité que ses maîtres se préparent à reconquérir la Terre. Au même moment, le professeur Lindsay Eggart tente de traduire un texte ancien et mythique, aux pouvoirs surnaturels, mystérieusement ressurgi du passé, l'"Ex Abisso Lumen". Là encore, Lönson semble vouloir venir en aide à la race humaine. Quel est son but ? Pourquoi une telle trahison ? Le monde a-t-il une chance de s'en sortir face aux forces démoniaques ?
Il ne faut pas être fin psychologue pour deviner que Sylvain Cordurié est fan de l'univers de Lovecraft. Contrairement à des récits comme U-29 ou Nyarlathotep, Le Céleste Noir n'est pas une adaptation mais une histoire originale dont le thème et l'ambiance rappellent fortement ceux de l'écrivain américain. Ainsi, l'auteur parvient à éviter le jeu de la comparaison, souvent perdu d'avance face aux puristes de l'un des maîtres de la littérature fantastique.
Les lecteurs du Mythe de Cthulhu ne seront pas dépaysés : créatures maléfiques venues du fond des âges et souhaitant envahir la Terre, textes magiques et impénétrables renfermant de terribles secrets, et surtout l'ambiance, lourde et glauque à souhait. Sans réussir totalement (mais cela est-ce possible ?) à restituer ce climat d'angoisse si caractéristique de l'œuvre de Lovecraft, l'auteur s'en sort plus qu'honorablement. Difficile en effet de montrer en images ce que le romancier parvenait à décrire parfaitement, à seulement évoquer sans jamais dévoiler, l'imaginaire jouant alors un rôle primordial. Lönson, personnage principal de ce premier tome, incarne parfaitement cette fonction. Entité nébuleuse, intemporelle, cruelle, elle s'entoure d'une aura mystérieuse et envoûtante propre à faire galoper n'importe quel esprit un peu curieux. Elle laisse, pour le moment, aux autres protagonistes des rangs de faire-valoir. A commencer par Ramsey Ligorn, sorcier émérite, qui entame le récit par une condition peu enviée de déséquilibré mental. Puis Lindsay Eggart, qui a du mal à concilier sa vie de famille et ses activités professionnelles de traductrice. La narration est enlevée, alerte, passe d'un événement à l'autre, comme autant de pièces d'un puzzle, s'assemblant au fil des pages pour donner, à la fin, un ensemble très cohérent.
Au dessin, Laci, auteur d'origine serbe, rend une bonne copie dans un registre emprunté aux Comics. Si certains visages sont parfois quelque peu approximatifs, les décors sont en revanche très réussis, en particulier l'intérieur du repaire de Lönson, dans lequel l'auteur joue parfaitement avec les perspectives. Quant à la dernière planche, son esthétisme irréprochable en fait un excellent slogan pour le second volume.
Prévue en cycles de trois tomes chacun, cette nouvelle série démarre de façon très convenable avec De l'abîme, la lumière. Sylvain Cordurié endosse, pour l'occasion, un costume de grand équilibriste. Avec d'un côté le risque de trop en dévoiler ou de sombrer dans une histoire grand-guignolesque et de l'autre de trop étirer le récit façon Le Chant des Stryges et de décourager les lecteurs. Un numéro périlleux, mais ô combien excitant.
Dessin : correct ; intrigue : sympa, le coté magie : juste ce qu'il faut, sans abuser... pourquoi cet abandon ???
Dommage, dommage... :(
(oui, post tardif, mais 'mieux vaut tard que jamais' :) )