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ans le Japon des années 1860, les fiefs partisans de l’isolationnisme font tout pour abolir le shôgunat afin de rétablir le règne tout-puissant de l’Empereur. Dans ce pays en crise et s’apprêtant à entrer dans une nouvelle ère, certains seigneurs n’hésitent pas à engager de véritables assassins dans une guerre politique sans pitié. Parmi ces tueurs experts dans le maniemant du sabre se trouve Izô Okada, un samouraï de basse classe qui sert aveuglement les sombres desseins de son seigneur. Afin de satisfaire son maître, radical et extrémiste, et de subvenir à ses besoins, Izô exécute toutes les basses œuvres. Pourtant, au fil des missions punitives et malgré des enjeux politiques qui le dépassent, "Izô le tueur" va prendre conscience de la perfidie de son employeur et chercher une voie plus digne pour cet art du sabre qu’il s’efforce de perfectionner depuis l’enfance. Devenu rônin, délivré du joug qui l’enchaînait, Izô Okada va cependant découvrir le prix de la liberté !
Après L’âme du Kyudo (l’Essentiel du patrimoine du Festival d’Angoulême 2008), Satsuma, l’honneur des samouraïs et Zatoïchi, Delcourt continue de publier ce grand nom du gekiga (manga dramatique). Basée sur des faits et des personnages historiques, cette œuvre d’Hiroshi Hirata est une adaptation libre du film à succès d’Hideo Gosha (Hitokiri, 1969).
Hiroshi Hirata situe son récit dans un Japon féodal, au moment où le pays commence à s’ouvrir à l'Occident. Une période charnière pour la société nippone, marquée par la fin de l’époque Edo et les dernières années du shôgunat Tokugawa. Un contexte historique violent qui nourrit efficacement l’intrigue en complots, trahisons, alliances et meurtres et qui permet à l’auteur de livrer une analyse didactique des mœurs d'une société en transition.
En suivant le parcours tourmenté et incertain d’un protagoniste principal manipulé comme un pantin par ses supérieurs, ce gekigaka de renommé va adopter un point de vue critique vis-à-vis des seigneurs mus par la soif du pouvoir, au détriment des personnes de basse extraction. Inspiré de l’histoire vraie d’Okada Izo (1832-1865), guerrier de classe inférieure aussi redoutable que naïf, ce récit offre une vision différente des manga classiques de samouraïs. A travers la prise de conscience de cet individu qui remet en question son rôle de tueur, l’auteur aborde un thème qui lui est cher : vivre en accord avec soi-même !
Si ce one-shot parsemé de nombreuses références débute de manière un peu confuse au milieu d’une époque elle-même trouble, l’émancipation de ce héros rongé par le doute devient très vite intéressante à suivre. Malgré certaines ressemblances entre les personnages et un dessin un peu daté, le trait soigné et puissant d’Hiroshi Hirata donne beaucoup de caractère à l’ensemble et se prête parfaitement à cette histoire qui saura ravir les amateurs de manga plus réalistes.
Izo Okada, Samouraï du fief de Tosa (ou Tueur) est embarqué "malgré lui" dans les troubles politiques de la fin de l'époque d'EDO.
L'intérêt du manga ? Une relecture complète et sans concession de l'image du Samouraï. Ici point d'honneur sans faille. Place aux doutes, à la peur, à la vermine, à la condition misérable. Hirata démonte littéralement l'imaginaire occidental du "Bushi". Ajoutons à cela une analyse politique fine de cette époque et on obtient une très bonne histoire.