A
-Huang s’est exilé de la campagne chinoise pour tenter sa chance à Hong-Kong. Ce déclassé, aidé de deux amis tout aussi miséreux mais débrouillards, survit au jour le jour, se contentant d’expédients et de petits boulots. Victime d’une blessure qui peine à cicatriser, A-Huang ne peut acheter les fortifiants hors de prix qui lui sont prescrits. Il est alors contraint de se tourner vers la médecine traditionnelle et les propriétés a priori miraculeuses de la viande de chien. Mais dans l’ancienne colonie britannique, tuer un chien est sanctionné par le code pénal…
Œuvre atypique, Pourquoi j’veux manger mon chien se présente comme une chronique sociale touchante au cœur d’un pays en pleine mutation, générant son lot de marginaux et de laissés-pour-compte. Malgré une narration erratique et une conclusion relativement confuse, Ah Ko parvient à rendre fidèlement le climat politique et culturel, le zeitgeist, d’un pays en transition, en quête fiévreuse de cette modernité dont Hong-Kong est la vitrine. Ces trois hommes qui errent au pied de gratte-ciel où s’affichent l’argent et la consommation facile, ne sont que quantités négligeables. Ils symbolisent cette majorité silencieuse, celle que l’on fait taire ou mine d’ignorer, les oubliés d’une croissance annuelle à deux chiffres.
Si la démonstration était plutôt convaincante, l’intrusion de l’élément canin, marquant l’introduction d’une touche de fantastique, peine à emporter l’adhésion. En tentant bien maladroitement d’analyser les relations entre l’homme et l’animal, Ah Ko paraît balancer entre zoo- et anthropomorphisme. Il semble même s’égarer définitivement, convoquant étrangement, au détour des pages, une version sino-parodique des aventures de Itchy et Scratchy ou bien l’ombre de Diabolo, l’un des Fous du volant.
L’album surprend encore quant à son graphisme, lorgnant tant vers la ligne claire que vers le manga. Néanmoins, le rendu des visages est parfois hésitant et certaines scènes d’action souffrent d’un manque de lisibilité.
Malgré ses défauts, ce manhua curieux et grinçant, mâtiné de préoccupations sociales, mérite que l’on y prête attention. Il n’est pas si fréquent qu’un auteur chinois puisse librement présenter à l’étranger les maux qui affectent son pays. Aussi faut-il saluer la publication par les éditions Casterman de ce jeune talent de la scène hong-kongaise.
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