« Il avait lu l’Ange banni de Thomas Wolfe, dont la morale était qu’on ne revenait jamais vraiment chez soi. Mais Tracy pensait qu’en fait, on ne le quittait jamais tout à fait. Aussi loin qu’on puisse aller, aussi vite qu’on fuie ».
Mû par la haine et la culpabilité, le vétéran Tracy Lawless s’évade du mitard pour traquer les assassins de son frère. En infiltrant l’ancien gang de Rick, en replongeant dans le Milieu, Tracy renoue avec un passé longtemps refoulé.
Depuis Les sentiers de la perdition, Sin City ou History of Violence, les « crime comics » font le bonheur des fans de polar et ce nouvel opus ne déroge pas à la règle. Ed Brubaker (L’automne, Sleeper, Gotham Central, …) signe un scénario solide aux dialogues accrocheurs. De la course-poursuite aux rades enfumés, de la femme fatale aux fusillades de rigueur, Brubaker se joue avec talent des conventions du genre. De ce voyage, somme toute très classique, au cœur de la pègre, on retiendra surtout une histoire magistralement conduite et des personnages charismatiques en diable. En alternant les flashbacks, Impitoyable entremêle les époques pour mieux révéler la béance des plaies d’un homme en quête de rédemption plus que de vérité. A mesure que celle-ci se dévoile, c’est le passé qui saisit Tracy à la gorge. Confronté à ses démons intérieurs, une hérédité maudite et un nom prédestiné, Lawless sait la fuite impossible et l’issue inéluctable.
Au-delà de l’écriture maîtrisée, la cohérence de l’univers impressionne. Si l’album forme un récit complet, il s’inscrit au cœur d’un projet plus vaste, une réflexion sur le poids des origines et la pesanteur de la filiation. Le portrait brossé en creux, c’est bien celui de la ville et de ses figures tutélaires qui réagissent comme autant de miroirs déformants. La Grogne, barman historique de l’Undertown - ce bar où l’on finit toujours par revenir ou par échouer -, et l’énigmatique Sebastian Hyde, dont l’ombre menaçante semble planer sur l’ensemble de la pègre, forment ainsi l’avers et le revers d’une même pièce, les personnages récurrents d’une tragédie qui, depuis le premier album, ne cesse de se jouer.
Pour accompagner l’homme de l’ombre, Sean Phillips (7 Psychopathes, Marvel Zombies, …) livre un dessin en parfaite adéquation avec la noirceur du propos. L’utilisation des noirs, le choix des ombrages et des couleurs volontairement affadies concourent pleinement à l’ambiance dégagée par l’album. De même, le placement, la dimension et l’enchaînement des phylactères ajoutent encore à la virtuosité du style de Brubaker. Il faut saluer, à cet égard, l’excellente traduction, signée Alex Nikolavitch.
Série indispensable à tout fan de polar réaliste !
Lire aussi la chronique de Lâche, le premier tome de Criminal.
On reprend les mêmes ingrédients, à savoir violence, stratagème subtile, amour et rancune pour un résultat toujours aussi excitant grâce à un scénario focalisé cette fois-ci sur des personnages secondaires du premier tome, dans un genre qui se rapproche plus de "revenge movie" que du polar .
Un deuxième tome, indépendant du premier mais dont l’action se situe dans le même univers, toujours aussi bien réalisé par l’immuable duo Brubaker / Phillips, et dont l’intrigue sort cette fois-ci davantage des sentiers battus du polar (Criminal 2006, #6-10).
Si l’histoire reste profondément ancrée dans le milieu de la pègre, son point de départ diffère quelque peu de la précédente. Le scénario de Ed Brubaker nous fait désormais suivre Tracy, un militaire supposé "impitoyable" en désertion, qui va s’acoquiner avec des criminels dans l’unique but de faire la lumière sur la mort de son frère, lui aussi passé par le crime. De la manière dont il va rejoindre ses nouveaux complices, à son histoire personnelle racontée par petites séquences émouvantes, en passant par le braquage en lui-même, tout concourt à faire du scénario une franche réussite. Et celui-ci a le mérite d’être un peu plus original que l’accumulation de poncifs du premier tome (bien que l’on n’échappe à nouveau pas à la femme fatale qui couche au premier regard...).
Le dessin de Sean Phillips ne varie pas du tome précédent, et s’il est toujours aussi efficace dans le registre du polar, il lui manque toujours quelque chose – un peu plus de détail, un trait plus relâché, une mise en page novatrice – pour être au niveau du scénario qu’il accompagne.
Une plongée dans les bas-fonds aux côtés de Tracy, impitoyable, et l'on sent que la loi du plus fort prévaut. Le scénario est superbe d'efficacité et les planches nous tiennent en haleine de la première à la dernière planche. On a envie d'y croire à cet amour entre notre héros et Mallory car il est là, plus fort que les coups et les balles... A dévorer sans attendre !
Un deuxième tome de Criminal tout aussi bon que le premier; on y retrouve l'ambiance très noire des polars et un scénario bien construit.
Les dessins donnent un genre à part à la série.
L'idée d'un petit format cartonné est une réussite.
7/10.