K
était un tueur à gages. Dans sa partie, c’était le meilleur. Il y a sept ans, il commit une erreur. Le parfum enivrant des fleurs, une cible facile, offerte et troublante, et l’armure d’airain céda sous les charmes de la victime. K mène désormais une vie tranquille, celle d’un homme au foyer dont le quotidien se partage entre celle qu’il n’a pu se résoudre à abattre, sa belle-fille et un jeune prétendant à sa succession. Mais la rencontre avec Miu, une adolescente gracile et délurée, va, une seconde fois, bouleverser sa paisible existence et bousculer ses certitudes quant à ses choix, ses sentiments et surtout, son couple.
Navigant entre deux eaux, celles du lyrisme et de la mélancolie, Romance Killer présente toutes les caractéristiques de la comédie de mœurs et des amours interdits. L’album convoque pour l’occasion le Lolita de Nabokov et, à l’instar du roman, fait une large place à la confession d’un homme confronté à ses pulsions. Chaque plan invite ainsi à partager l’introspection et les tourments du personnage principal tiraillé entre sa famille, le poids des conventions et l’émoi ressenti à l’apparition de la nymphette, vraie-fausse ingénue. Doha Kang brosse aussi le portrait d’âmes perdues mais la psychologie pourtant fouillée des protagonistes peine parfois à susciter l’empathie. Miu, par une sorte de complexe œdipien inversé, paraît privée de repères. L’absence du père l’a conduite à rechercher de façon éperdue le fantasme d’un idéal masculin au risque de l’aveuglement, de l’inconscience et de la transgression de l’ordre moral. K, un rien paumé, un rien désabusé, s’interroge sur le bien-fondé des choix passés. Mais comment ne pas voir derrière l’itinéraire a priori atypique du personnage, le difficile cap de la quarantaine, celle des premiers bilans, et la tentation classique du démon de midi ?
Outre des décors et des couleurs particulièrement réussis, le choix des angles atteste d’un sens très cinématographique de la mise en scène. Afin de retranscrire au plus près les émotions, Doha alterne les cadrages plus ou moins rapprochés, les travellings et les effets de flou. Même si le dessin, à vouloir traduire le ressenti des personnages en une phrase ou une image, à distiller une forme de langueur poétique, péche par excès de zèle au risque de ralentir le rythme d’une narration confinant déjà à la neurasthénie.
Sans parvenir à renouveler le genre, Doha livre une histoire néanmoins touchante et poursuit son grand œuvre, Drama of Youth, une trilogie consacrée à la société urbaine et à la jeunesse coréenne, déjà entamée avec Catsby.
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