L
a guerre d'Espagne touche à sa fin et l'issue ne laisse guère d'illusion. Max Fridman est embourbé comme bien d'autres dans ce conflit. Il parcourt les rues devenues dangereuses de Barcelone à la recherche de son ami le major Treves. Dans cette ambiance délétère, Max ne peut se fier à personne. Les communistes, la seguridad, les phalangistes, tous sont à ses trousses. Il doit se méfier de tout le monde, même de la belle journaliste Claire Blon.
Max Fridman traverse les décennies sans prendre une ride. Gentleman à toute heure, que cela soit dans les plus grands hôtels ou sur le théâtre des opérations, son allure reste noble, tirée à quatre épingles, à l'image du graphisme de Vittorio Giardino. L'auteur italien est toujours aussi à l'aise dans l'esthétisme d'un dessin épuré aux couleurs passées, certains diront ternes voire vieillottes, donnant une impression désuète collant parfaitement à l'époque décrite. Giardino ne vit pas dans le passé mais il y fait vivre ses personnages avec maestria. Le dosage judicieux entre aventures, mystère, engagement et romantisme fait de Max Fridman une série au charme suranné et au contenu conséquent et intelligent.
Le rythme de production de Giardino est tel qu'il ne faut pas bouder le plaisir de retrouver son plus fidèle héros, antithèse de son prédécesseur, Sam Pezzo. Dans l'attente d'un hypothétique troisième et dernier tome de Jonas Fink, Max Fridman fait office de pis aller de qualité. Surtout comparé au décevant Eva Miranda. Pour qui ne dédaigne pas une pointe de pensée politiquement correcte et de noblesse d'âme, se plonger dans une bonne série d'espionnage située avant la seconde guerre mondiale est un enchantement. Intrigues, courses poursuites sur les toits d'immeubles "Gaudi" et trahisons à répétition : un cocktail au goût d'authentique à l'heure des scénarios à l'aspartame et aux intrigues pré-mâchées.
Avec Sin ilusión, Giardino conclut sa période espagnole en obligeant son personnage à renoncer, comme de nombreux idéalistes de l'époque, à certaines illusions. Max Fridman perd un ami et tout espoir de voir triompher les idées pour lesquelles il s'est battu depuis toujours. Le combat se portera ailleurs à n'en pas douter, les premières prémices de pogroms en Allemagne laissent présager le pire, mais une page est tournée qui laissera des séquelles. L'infamie a encore de beaux jours devant elle et permet d'imaginer plusieurs nouvelles escarmouches entre le pourfendeur suisse et les ennemis de la démocratie.
Max Fridman, bande dessinée politique ou simplement humaniste, témoignage d'une époque trouble pour une Europe en plein désarroi.
"Sin ilusión", conclusion désabusée, amère même, de "la trilogie de la guerre d'Espagne" de Giardino, est certainement le meilleur des trois livres - le plus rempli d'action, de coups de théâtre, etc. -, mais ne réussit pas non plus à soulever le même enthousiasme de notre part que les débuts de Max Fridman. Malgré les multiples péripéties qui mènent Fridman à la découverte de Treves et du secret de "Cocorito", règne ici une impression d'immobilisme pesant : on a du mal à vibrer même quand les balles sifflent - de manière un peu répétitive d'ailleurs - aux oreilles de notre héros. On peut tenir pour responsable de ce manque de dynamisme le dessin parfait, mais par trop "posé", de Giardino, mais c'est peut-être plutôt l'immobilisme de Fridman, paralysé par ses désillusions (le titre du livre est clair) et par une forme naissante de défaitisme qui passe mal ! ... Et est dans doute antinomique par rapport à un récit policier / d'aventures où l'on doit craindre pour la vie du héros. Ici tout est clairement perdu depuis toujours, la grande Histoire (on sait bien entendu le funeste destin de la jeune République espagnole) comme la petite : la fuite de Fridman devant l'aventure de l'amour qui lui est offerte, même si elle nous offre une jolie conclusion avec ses retrouvailles avec sa fille, n'est pas un grand moment romantique, plus une lâcheté sans aucun panache. On peut comprendre, voire avoir de la sympathie pour le pessimisme (la lucidité) Giardino, mais il est indiscutable qu'il est fatal au charisme de "Max Fridman", le personnage de BD. (C'est d'ailleurs en cela que Giardino est infiniment inférieur à son compatriote Pratt qui réussit au contraire à nourrir le romantisme éperdu des aventures de Corto Maltese du cynisme élégant de son héros...).
Novembre 1938,
Max Fridmann touche au but et commence à sérieusement gêner certains intérêts. Utilisé malgré lui par la Seguridad pour trouver la taupe au quartier général, le héros avance sans faiblir, entre cynisme et romantisme, jusqu'au dénouement tragique.
Un très bon album de Vittorio Giardino.
Cette trilogie sur la guerre d'Espagne est vraiment magnifique. On oublie souvent de dire que Giardino est non seulement un très grand dessinateur, mais aussi un très grand conteur. En tout cas, moi, je n'hésite pas à le hisser à la hauteur d'un Hugo Pratt, par exemple !
L'histoire est captivante d'un bout à l'autre, sérieusement documentée. Giardino a fait là de l'excellent travail.
Au bout du compte, Max Fridman s'en sort bien, alors que les Républicains sont en train de perdre la guerre. Ainsi va l'Histoire...
Le titre de l'album indique bien l'atmosphère de l'histoire.
Max s'est jeté dans cette aventure sans grande illusion sur le sort de son ami.
Il n'a plus davantage d'illusions sur les "forces de progrès" noyautées par les staliniens.
Guère d'illusions sur le sort des Républicains et encore moins sur le sort des ses frères d'armes.
Quant à l'opportunité d'un amour naissant, il préfèrera le fuir croyant se sacrifier pour sa fille.
C'est vraiment une fuite en avant sans aucune illusion. Mais Dieu que ce désespoir, que cette mélancolie sont belles à lire.
NB : il y a presque 10 ans d'écart entre le premier album et ce 3ème qui clôt la série; seul le talent de Giardino (pour ne pas dire la grâce ou le génie) permet de tolérer un tel écart. Et que dire de Jonas Fink commencé encore plus tôt -1994- et toujours en rade après 2 albums !
Au boulot M. Giardino ! vos admirateurs attendent vos suites avec impatience !
Fin de la trilogie espagnole où Fridman continue de chercher son ami disparu en se heurtant aux deux camps et en perdant ce qui lui reste d'illusions sur la justesse des combats menés. Finalement c'est l'attachement à sa petite fille qui lui fait résister à tout y compris aux tentations de l'amour et c'est finalement la partie la plus touchante de l'histoire.
Très bon.