Petite forêt 1. Petite forêt

I chiko se plaît beaucoup à Komori, hameau de la région d’Akita, au Nord du Japon. La campagne environnante lui dispense généreusement ses bienfaits et la jeune femme prend plaisir à cuisiner des plats originaux à base de produits locaux. Partageant ses préparations avec ses amis Kikko et Yûta, elle coule des jours paisibles, loin des tumultes de la ville et des amours difficiles. Mais son cœur s’alourdit parfois au souvenir de sa mère qui l’a abandonnée quand elle n’était encore qu’une enfant.

Le public français a découvert les œuvres de Daisuke Igarashi avec Hanashippanashi puis Sorcières . La collection Sakka des éditions Casterman s’orne d’un nouveau titre de ce mangaka en publiant Petite forêt, né de l’expérience de l’auteur qui a vécu pendant six ans dans un village du Nord de l’archipel nippon.

A la fois journal intime, livre de cuisine et chronique rurale, cette série offre de savoureuses tranches de vie à travers un parcours gourmet et gourmand. Elle rappelle ainsi, quoique dans un contexte assez différent, Le Gourmet solitaire de Jirô Taniguchi, de par la découverte de mets divers qui émoustillent les papilles à la lecture. Cependant, au-delà de la promenade gustative, Petite forêt met en avant la symbiose entre la nature et l’homme qui sait en jouir, l’existence au rythme des saisons et la simplicité saine d’un monde rustique. A travers les souvenirs d’Ichiko apparaissent également les difficultés à s’adapter à un milieu urbain et à surmonter les séquelles d’un traumatisme, en l’occurrence le départ de la mère et l’absence du père. Par touches délicates et pudiques, Igarashi évoque donc les blessures de l’âme tout en peignant le tableau d’une campagne sereine et source d’apaisement. Confiture de goumi, sauce Worcester, fleur de pétasite, cake au chou, riz aux noix, mochi aux crevettes ou au gingembre, chaque chapitre est l’occasion d’un essai culinaire expliqué en détails et qui souligne le système d’autosuffisance du hameau, ainsi que la nécessité de travailler la terre pour profiter ensuite des fruits de son labeur. Cela peut paraître répétitif, et par trop apologétique, néanmoins l’absence de toute exagération et le ton modeste, presque banal, évitent cet écueil. Chaque anecdote est suivie d’un petit commentaire sur la recette ou l’ingrédient qui en est au centre, ainsi que de quelques observations, toujours plaisantes et sentant le vécu, sur les « petits habitants de Komori ».

Proche d’un Hayao Miyazaki par son amour de la nature, Igarashi possède un graphisme au trait simple et fin. Bien que n'illustrant pas cette fois-ci un univers fantasmagorique aussi puissant que riche, il détaille avec minutie les recoins de la campagne, les plats qui mijotent, les plantes et fruits au cœur de son récit. Une quiétude majestueuse se dégage de l’album, laissant le lecteur pénétrer dans l’intimité d’un microcosme à la fois unique et universel, possédant la saveur, pour l’urbain, d’un paradis lointain.

Même s’il n’est pas évident d’en apprécier la valeur de prime abord, voilà un titre à savourer avec la même gourmandise qu’Ichiko dégustant ses goumi sur la couverture.