S
i, sous le couvert d’explications alambiquées, Emilie est partie bien tôt au travail ce matin, c’est qu’elle sait que, chemin faisant, elle devra passer par la case laboratoire pour prendre connaissance du résultat de son test de grossesse. Positif... Ce troisième tome se ferme sur son visage songeur. Les dés sont jetés. Au milieu de tant d’autres. De là à imaginer Marco, les yeux vides, les gouttes de sueur coulant sur le visage, sombrer dans une crise d’angoisse, il n’y a qu’un pas. Le fond passe au rouge, le coup de crayon devient fou à la manière de celui utilisé dans Presque. Et après ? Emilie est bien consciente qu’elle vient de mettre la vie du couple dans la balance, mais pouvait-elle encore attendre ? Comment va réagir la nature excessive d’un Marco réfractaire à tout changement et surtout incapable de se voir endosser le rôle de père ? Tant que ça ? N'a-t-il pas cédé, certes après âpre lutte, et emménagé avec elle ? Alors, cette grossesse, biberons, couches, nuits blanches…
Rien de tout ça ne sera évoqué. La part de l’intime, mais peut-être encore plus l’intérêt relatif de ces sujets ont poussé Manu Larcenet à éluder cette période pour ouvrir cet album sur une petite Maude qui gambade dans la neige derrière son papa. Quelques années ont passé et ont poli l’homme, les éléments ont bougé, certaines cassures sont consommées et d’autres minent encore le quotidien. Pour faire simple, sans qu'il faille en tirer de conclusion hasardeuse, les séances de fumettes ne ponctuent plus certains passages.
L’approche de la paternité de Marco a cela de réjouissant qu’elle évite autant d’occulter la progéniture que de glisser vers un rapport gâteux à l’enfant. D’un côté, ce qui lui plaît, de l’autre, ce qui le fait chier, profondément. Et l’émerveillement de céder la place à l’agacement. Pas simple d’être celui qui doit dire « NON », tâche volontiers laissée à la charge d’Emilie ! Lâcheté ou refus de grandir ? Ces rapports sont l’occasion de lâcher du lest à la tension nerveuse qui emplit le reste du récit. Instants de résurgence adolescente, mais aussi l’occasion de quelques touches légères tant dans le texte que dans le dessin. La gestion des temps morts dans la construction regorge de bonnes idées. Cette légèreté se retrouve dans le graphisme qui s’est affiné avec le temps. La phrase « … rappelle le schéma d’un système nerveux » caractérisant l’ombre d’un arbre sur une photo, extraite de Ce qui est précieux, illustre avec justesse le trait de Larcenet.
Si ce coup de crayon est capable d’exprimer une certaine beauté, il excelle aussi à évoquer le désespoir et les silences lourds de sens. Le travail sur le regard, ou plutôt sur son absence, avec économie d’effet est éloquent. Politisé ou apolitique, c’est selon. Quoiqu’il en soit, le parti pris très noir sur le fond lui confère un indéniable flanc d’attaque pour ses détracteurs. Cependant, si une qualité reste indéniable à cette vision sur ce qui l’entoure, c’est bien la confrontation des vues. Et ce n’est alors pas anodin si le contenu contient ses propres contradictions, d’un côté la fierté des ouvriers de l’atelier 22, de l’autre celle de l’appartenance de jeunes à leurs quartiers. L’une est légitime, l’autre stupide ? Les visages ne sont-ils pas les mêmes quand vient la démolition d’usines, de cités ? Pourquoi cet attachement ? Est-il possible d’être fondamentalement et rationnellement objectif de l’intérieur ?
La qualité des dialogues, leur faculté à sonner juste, donnent une portée tangible aux problématiques évoquées. Qui de Marco ou de celui qui lui prête voix est le plus hanté par ces interrogations ? Cette évolution, consciente ou non, est notable pour la majeure partie des discussions engagées avec autrui. Un air de monologue flotte, comme si les protagonistes se faisaient l’écho des pensées d’un être bicéphale dont une partie a encore quelques attaches avec un quelconque possible et dont l’autre, laminée par le quotidien, tient un discours désabusé, revenu de tout. L’aspect paradoxal des points de vue est sans cesse mis en exergue. Question de culture au sens philosophique du terme, la vérité de l’un n’est pas celle de l’autre. Dès lors, est-elle acceptable comme telle ?
Cet album, encore plus que les précédents, jongle avec deux univers qui n’ont pas grand-chose en commun si ce n’est le protagoniste principal. L’anoxie provoquée par l’un est oxygénée par l’autre. D’un côté, le subi, de l’autre, ce qu’il reste possible de toucher du doigt. Le premier provoqué par une brutale accélération de la mondialisation porte le double travers d’être source d’information, donc de culpabilité, et d’impuissance face à des problèmes transversaux qui dépassent la capacité d’acceptation de chacun. La profonde souffrance qu’il engendre est tempérée par le second, le cercle des proches, qui offre la sensation de pourvoir influencer le cours des choses et amène ainsi la notion de responsabilité. Le papa de Marco disait dans Les quantités négligeables « Il faut faire des enfants, Marco, ça fait de nous des hommes meilleurs… ». La rédemption ?
La singularité du Combat ordinaire ? Un succès auquel ne le prédestinait pas, de prime abord, un contenu qui croise une vision très noire de la réalité avec le domaine sacré de la famille, ce qui donne une dimension aussi humaine que dérangeante à ce récit. Mais la volonté réaffirmée de bousculer n’est peut-être pas la moindre des qualités de Planter des clous, ultime album de la série.
Chronique du T.3 : Ce qui est précieux.
Et voilà, la série se termine en beauté et le combat ordinaire continue et on plantera des clous, chacun à sa façon !
Très belle œuvre de Manu Larcenet, peut-être sa meilleure, selon moi en tout cas.. Tout y est magnifiquement dit, décrit, sur la triste réalité de ce monde et les difficultés de la vie mais aussi ses beaux moments, les petits moments, ce qui est précieux...
Bref, indispensable pour les amateurs et les connaisseurs... Foncez :)
superbe 4eme tome comme toute la série d'ailleurs,des similitudes avec le retour à la terre(part vivre à la campagne, a un chat puis un bébé...)
je ne comprend pas les critiques de
marcel.d qui ne trouve aucun fil conducteur
et de Guppy qui nous parle de la relation avec son fils:
relisez l'histoire et vous verrez le fil conducteur:la vie et qu'il a une fille et non un fils!!
vos critiques sont ce qu'il y a d’intéressant à l'histoire
Non, le dernier avis est un peu sec....
Larcenet nous retrace la vie de tous jours, le quotidien (peut-être le sien ou proche de lui) d'un photographe (pourquoi pas un dessinateur) en pleine époque des années 2000. D'accord, le côté politique peut diviser, d'accord les dessins peuvent ne pas plaire, d'accord c'est peut être autobiographique mais personne ne peut rester insensible à Marco et son entourage...
Pour ma part, je me suis régalé, de bons fous rires, je le conseille vivement....
Navrant!!!
Commençons par le dessin digne d'un elève de CM2, témoignant du défaut de l'album: le manque d'humilité..
Concernant, le scénar: quelle vanité, quelle narcisisme: l'histoire (totalement décousue et sans aucun fil conducteur) n'est que le pretexte à decouvrir les sentences , et avis de l'auteur. Auteur poussant l'anticonformisme jusqu'à se saisir de tous les sujets traversants l'"ere du temps" (relation filiales, couples, guerre d'algerie, désindustrialisation, politique, snobisme et hypocrisie dans les milieux artistiques) .
Les propos temoignent d'ailleurs d'une "bien-pensance" assez pathétique et navrante et alignent allégrement les clichés. Bref, album qui a dû etre produit au bar PMU du coin.
Bref, et surtout, lecture trés peu interessante
Navrant!!!
Commençons par le dessin digne d'un elève de CM2, témoignant du défaut de l'album: le manque d'humilité..
Concernant, le scénar: quelle vanité, quelle narcisisme: l'histoire (totalement décousue et sans aucun fil conducteur) n'est que le pretexte à decouvrir les sentences , et avis de l'auteur. Auteur poussant l'anticonformisme de se saisir de tous les sujets travaersant l'"ere du temps" (relation filiales, couples, guerre d'algerie, désindustrialisation, politique) .
Les propos temoignent d'ailleurs d'une "bien-pensance" assez pathétique et navrante.
Bref, lecture trés peu interessante
Marco est maintenant papa, et est un homme responsable. Il a une femme qu'il aime, tente d'éduquer sa fille, et de remettre son frère dans le droit chemin. Il n'a plus à souffrir de crises d'angoisse, et va règler sa conscience d'homme et sa conscience sociale.
Une fin légèrement en dessous des 3 précédents albums. Peut être due à la longue nuit passée avec Pablo, l'ouvrier conscient du monde et de sa vie.
Une série qui mérite d'être lue.
Celui que j'aie le moins aimé des quatre, pourtant je suis une fan finie...Peut-être
parce que je ne vis pas en France et que les problèmes politiques de celle-ci me
laissent complètement neutre...Les causes sociales m'interpellent mais j'ai trouvé
que Planter des clous est un long monologue, un trop long monologue les
interpellant. On y retrouve quand même les mêmes exquis personnages mais on
dirait que la traverse optés par Larcenet tout au long des autres albums a été
changée. Moins de renversement, moins de coups d'épée dans l'émotion.
Il n'en demeure pas moins que Le Combat ordinaire demeure une DES séries à
avoir, à lire et relire. J'ai hâte de voir où nous mènera le 5ème tome, s'il y en a
bien sûr.
Un grand merci et un grand bravo à Manu Larcenet pour ce magnifique album qui vient conclure une magnifique série. Tout en finesse et en émotions (qu'elles soient drôles ou touchantes), cette bd a sa place dans n'importe quelle bédéthèque. Pourquoi me direz-vous? Parce qu'elle capte à merveille ce qu'il est convenu d'appeler l'air du temps : de la fin de la société industrielle, d'élections ratées ou porteuses d'espoir (choisissez votre camp). Les dessins de Larcenet collent au plus près des émotions des personnages et nous les retranscrivent, nous les insufflent.
A lire et à relire sans modération.
Cette série est très agréable à lire. Lire un épisode, c'est une première gorgée de bière comme dirait l'autre.
Une histoire simple de gens simples avec la complexité ordinaire qui va avec la vie. "Indispensable" serait prétentieux, mais "à lire" : sans hésitation.
Quelques épisodes de plus siouplait...
On est forcément moins surpris par ce 4ème tome qui est dans la veine des premiers, car on commence à connaître les états d'âme et les réactions du quidam !
Ces choses de la vie sont toujours bien observés mais tellement présentes dans l'actualité qu'on est moins dépaysé que dans les tomes précédents.
Mais c'est le genre de bd qui peut et même doit se relire plusieurs fois contrairement à d'autres.
Grosse déception que ce 4ème tome ! Le 2 premiers tomes étaient super, mais ça ne sert à rien de foutre la série en l'air avec un scénario aussi fade. Marco est devenu père, on sait qu'il est angoissé, que la relation avec son fils semble prendre la même tournure que celle avec son père. L'usine ou travaillait son père ferme. Et alors ? On a l'impression d'être de plus en plus face à une autobiographie de n'importe quel habitant de la planète.
Marco est devenu papa, et toutes les scènes en rapport avec cet aspect de
l'histoire sont vraiment rafraîchissantes et agréables à lire. Certes. Mais on a
malgré tout l'impression que Larcenet reste sur ses acquis, qu'il ne force pas
trop son talent. En parallèle de cela on a une intrigue plus politique (la
destruction de l'atelier 22) qui lasse un peu malheureusement, et ne nous
passione que très peu là où dans les autres tomes Larcenet avait réussit à
nous attacher aux ouvriers de l'atelier 22 et à leur détresse.
Un dernier tome qui n'est donc pas très embalant, et où l'absence d'émotions
resenties par le lecteur tranche fortement avec les albums précédents.
Le 4ème (et dernier) tome de ce "Combat Ordinaire" tant unanimement célébré se positionne clairement comme une sorte de postface au long récit qui l'a précédé (les 3 premiers tomes). De manière pas si courante en BD, Larcenet a laissé le temps s'écouler dans la vie de ses "héros", et, naturellement, la "fin de l'histoire" est advenue, et tous les jeux sont désormais joués : Marco est devenu père, et plutôt bon père, et on sent que, avec les kilos en plus, quelque chose comme de la sérénité est apparu en lui ; les chantiers navals sont cette fois bel et bien condamnés, et les combats politiques n'ont plus guère de sens - pire, alors que Sarko est élu (saisissant effet de proximité que ce soir d'élection où l'on contemple l'horreur du futur au milieu des cris de joie des imbéciles), les convictions sont-elles encore souhaitables ? Le voisin est mort sans qu'on s'en aperçoive... Le combat continue, mais quelque chose s'est passé chez Manu Larcenet, pardon, chez Marco, que l'on qualifiera un peu facilement de maturité, et qui oscille entre résignation et goût pour le bonheur le plus simple. Alors, "Planter des Clous", qui, comme les gens heureux - ou résignés - n'a pas d'histoire, oscille lui entre peinture flottante de micro-évènements (l'émerveillement devant son enfant, finalement le meilleur du livre) et ressassement quasi-terminal de désillusions : il n'est pas sûr que le long monologue dans l'obscurité - 6 pages quand même ! -, aussi pertinent soit-il dans sa manière de refermer toutes les portes de nos illusions politiques, soit ce que le livre a de plus intéressant. Pour finir, laissons la parole à la maman de Marco, un jour où elle était, elle, d'humeur particulièrement combattive (page 24, magnifique !) : "(les racines), c'est rien d'autre que la glorification de la tradition imbécile ! Ça nous cloue au sol... Ça nous empêche d'avancer... Les racines, c'est bon pour les ficus !"... Son "Combat Ordinaire" ainsi bouclé, on souhaite à Manu Larcenet de continuer à avancer !
Clairement la série que je préfère et ce dernier tome est largement au niveau des précédents...
Si vous avez moins de 15 ans ou n'avez pas de cerveau ou de conscience politique, passez votre chemin.
Sinon, ne pas acheter cette merveille est impardonnable.
Toujours remplies d'humanité, les scènes familiales sont touchantes et souvent drôles.
La critique sociale est parfaite.
Merci Manu!