L
e visage transformé par les coups de scalpel du Kanak, Chéri-Bibi revient sous l’apparence du marquis Maxime du Touchais que la bourgeoisie dieppoise ne s’attendait pas à revoir. Aussitôt, il entreprend de trouver grâce aux yeux de Cécily qu’il n’a cessé d’aimer et qui n’éprouve que haine et mépris pour son mari. Les obstacles franchis, l’ancien bagnard coule une vie paisible auprès de sa bien-aimée. C’est compter sans le sort qui s’acharne toujours sur lui, cette fois en la personne du Kanak qui entend le faire chanter, et de la vieille Reine sur le point de révéler le nom du véritable meurtrier des pères de Cécily et du marquis.
Dernier volet de l’adaptation par Pascal Bertho de l’œuvre de Gaston Leroux, Cécily clôt les aventures du garçon boucher injustement accusé d’assassinat et décidé à se venger cette injustice. Dans la lignée des deux albums précédents, l’histoire se déroule sur un rythme rapide où foisonnent les rebondissements, mais en étant axé, cette fois-ci, sur le seul présent. Les fils enchevêtrés de la tragédie familiale et du polar entraînent le lecteur dans un récit qui tient en haleine de bout en bout et met en lumière, plus que jamais, les caractères des personnages. Chéri-Bibi, surtout, apparaît tel un Janus. D’un côté, il associe les meilleures parties du bagnard recherché et du marquis exécrable pour en faire un homme idéal qui conquiert le cœur de Cécily. De l’autre, il poursuit sa vengeance et n’hésite pas à se débarrasser des protagonistes dangereux.
Cette ambivalence est très bien rendue, dans sa poignante intensité, par le dessin de Marc-Antoine Boidin. Le trait, presque anguleux, souligne en effet avec justesse les sentiments qui passent sur les visages, révélant le fond des pensées et des âmes. D’une grande qualité, les cadrages et découpages accompagnent parfaitement les différentes phases de l’action et témoignent du talent du dessinateur et de son attention pour les détails. Les couleurs, somptueuses, restituent une ambiance tendue et fiévreuse, dans laquelle les deux planches montrant le bonheur de Cécily et de Chéri-Bibi devenu Maxime du Touchais semblent une respiration aussi paisible qu’éphémère.
C’est presque à regrets qu’on ferme Cécily tant ce troisième album de Chéri-Bibi conclut en beauté une trilogie de qualité, du point de vue scénaristique comme graphique.
>>> Lire la chronique du tome 1 de Chéri-Bibi
>>> Lire la chronique du tome 2 de Chéri-Bibi
Fin sans doute provisoire de la série puisque Leroux avait donné des "suites" pourquoi Bertho et Boidin ne contueraient-ils pas eux aussi ?
Conclusion de ce cyle avec une fin ouverte et toutes les recettes du roman feuilleton. C'est un pur régal, on en veut encore et on réclame à cor et à cris les dessins de Boidin. S'il vous plaît M. Bertho vous pourriez pas faire un peu plus long ?