1972. Quelque part aux Etats-Unis. Un homme court à perdre haleine à travers une forêt recouverte d'un manteau blanc. Son nom ? Antonio Bobino, dit "Bobo". Il vient de passer trois longues années en prison pour un braquage à main armée qui a mal tourné. A la première occasion, il s'est fait la belle. Poursuivi, traqué par la police, il tente d'échapper à une mort certaine quand il aperçoit, au loin, une voiture. Celle-ci s'arrête devant une cabine téléphonique. Une jeune femme sort du véhicule. Ils ne se connaissent pas. Pourtant, leurs routes se croisent. Providence ou mauvaise fortune ? Leurs destins sont désormais liés.
Fausse Route, c'est tout d'abord une ambiance étouffante, oppressante. Dès les premières pages, tous les éléments concourent à plonger le lecteur dans un environnement hostile et inquiétant. Les hommes, pratiquement réduits à l'état de bêtes sauvages et sanguinaires, avec d'un côté les chasseurs dont la physionomie rappelle celle de miliciens du parti nazi et de l'autre le fuyard, simplement animé par un fort instinct de survie et prêt à tout pour sauver sa peau. La faune, incarnée par des corbeaux survolant constamment la scène comme autant de charognards et des chiens, efflanqués, aux crocs acérés, qui semblent tout droit sortis d'un film d'épouvante. Le décor, enfin, dans lequel la neige omniprésente évoque le froid de l'hiver et une obscurité, presque totale, contrariée seulement par une nuit de pleine lune.
Fausse Route, c'est aussi l'histoire d'une rencontre. Celle d'un homme et d'une femme dont les chemins se sont rejoints. Hasard, destin ? Peu importe... Chacun d'entre eux a besoin de l'autre pour se sortir d'une situation quasiment désespérée. Joseph Incardona s'attarde peu sur le passé des personnages pour ne conserver que le strict minimum nécessaire à la compréhension du récit. Une absence qui rend parfois les deux héros transparents, comme privés de profondeur psychologique, mais qui, d'un autre côté, renforce le sentiment de faire face à une œuvre dépouillée, brute, dépourvue d'artifice.
Le dessin en noir et blanc colle parfaitement à l'atmosphère lourde de l'histoire. Les décors sont sobres et ne gardent, eux aussi, que l'essentiel. Vincent Gravé joue avec la profondeur des plans, tantôt éloignés pour montrer une étendue désertique, tantôt rapprochés ou carrément fixés sur un détail ou un objet, une paire de jumelles ou un rétroviseur. Certaines expressions de visages, à peine esquissées mais terriblement réalistes, rappellent parfois des personnages de Breccia, dans L'Eternaute, par exemple.
Fausse Route est un album de quelques 230 pages, mais qui ne retrace finalement qu'une poignée d'heures de la vie de deux personnages. Une narration et un graphisme efficaces au service d'une histoire simple mais dense. De quoi s'aventurer sur les traces enneigées d'Antonio et de Nadia sans risquer la sortie de route.
On se laisse facilement plongé dans ce polar noir, dans une ambiance noir, mise en images par Vincent Gravé. N'étant pas fan de ce genre de dessin, je dois avoué que cela sert bien l'histoire. Suivre 2 protagonistes pendant 230 pages est un régal. On les aime ou on les déteste, mais on s'y attache forcément jusqu'aux dernières pages où le dénouement est loin d'être prévisible.
Par moment certains détails peuvent paraître inutiles voir un peu "lourds" mais cela est indispensable pour mieux rentrer dans l'histoire et dans la "vie" des 2 personnages.
Les 230 planches se lisent d'une traite et aucune pensée d'inachevée n'apparaît à la fin. On aurait pu souhaiter une autre fin, mais c'est celle la qui convenait aux auteurs et on va pas leur en vouloir.
A lire d'urgence pour la bonne histoire malgré le format qui rebutera plus d'un...