L
a banalité de la terreur. Tel est le message fort à retenir de l’œuvre de Rutu Modan, tout juste primée lors du festival d’Angoulême et récipiendaire du 14ème Prix France Info de la Bande-dessinée d’actualité et de reportage.
Nomi, jeune appelée du contingent, surgit dans la vie tranquille d'un modeste chauffeur de taxi vivant replié sur lui-même, Kobi Franco. Le père du jeune homme serait la victime non identifiée d’un attentat kamikaze. Non sans réticence, Kobi accepte de suivre Nomi et tout deux se lancent à la recherche d’un homme avec qui Kobi avait coupé les ponts. Au fil de leurs pérégrinations se noue une relation très forte où chacun apprend à découvrir l’autre et à lui faire confiance.
Derrière chacune des étapes de ce road-trip atypique, se dessine en creux le portrait d’une société vivant en permanence sous la menace des bombes et réussissant malgré tout à s’en accommoder. Un attentat éclipse l'autre. Ainsi cette scène à la morgue où lors de l’identification du corps, le légiste propose avec entrain une vidéo d’un cadavre à la condition que la famille de la victime apporte une cassette vierge. Ce plan encore où les deux protagonistes croisent un chien errant à la laisse traînante sans même s’interroger sur l’endroit où peut être son maître. Les personnages semblent détachés, indifférents. A force de côtoyer la douleur et l’indicible, ils apparaissent isolés, comme extérieurs à la réalité. La fêlure existe néanmoins et le blindage est friable. Dans cet entre-deux se révèlent les fragilités de chacun. Kobi est aussi apathique et hésitant que Nomi semble gauche, en décalage avec sa famille.
La famille, c'est l'autre grand sujet de ce roman graphique. Mais une fois encore, la décomposition de la cellule familiale est le prétexte à une autopsie de la société israélienne, à l’examen clinique et distancié d’un corps social qui se délite. C’est la perte des repères que Rutu Modan donne à observer, la déchéance symbolique de la figure paternelle. Celle du père biologique mais également celle des pères fondateurs de l’Etat d’Israël, celle des rescapés de la Shoah qui aspiraient à la création d’un refuge en Palestine.
La leçon est dure. A la lecture de ce conte tragique, la vie apparaît comme une épreuve d’endurance empreinte d’une certaine fatalité. L’espoir subsiste néanmoins. A l’image de cette dernière planche toute en subtilité, la vie est un saut dans le vide où l’on espère se raccrocher à des bras secourables. En se lançant à la recherche de son père, en tentant de résoudre le puzzle de sa disparition, c’est son identité que Kobi va reconstruire et ce, avec une amie pour le soutenir.
A la complexité des personnages fait écho la simplicité, la naïveté du dessin qui permet de rendre au plus juste les sentiments qui traversent les personnages. Les couleurs estompées servent idéalement un trait épuré qui se veut réaliste, souvent synthétique, parfois schématique et s’inscrivant dans la tradition de la ligne claire.
Quant au mot de la fin, comment ne pas le laisser à Joe Sacco, fin connaisseur de la bande dessinée comme du Moyen-Orient (Palestine : une nation occupée ; Palestine : dans la bande de Gaza) quand il évoque, à propos de ce bel ouvrage, ce « regard sans sentimentalisme sur le malaise d’une société, les relations humaines, et ce lieu trouble où les deux s’entrecroisent ».
Nous suivons le début d'une histoire d'amour de deux jeunes israélites de milieux sociaux différents à savoir un modeste chauffeur de taxi et une riche héritière pas très jolie. La recherche du père de l'un des deux protagonistes sera le leitmotiv de cette histoire rocambolesque sous bien des aspects. On le croit réellement disparu après une vague d'attentats assez sanglants touchant les lieux publics. Une enquête privée commence alors et nous entrainera vers des chemins inexplorés mêlés également de fausses pistes.
Il est vrai que la terreur des attentats n'est qu'une toile de fond mais assez insistante pour nous indiquer que cet Etat vit sous une menace permanente qui est en soi condamnable pour l'horreur de ce que cela entraîne pour les populations civiles innocentes. Cependant, l'auteur nous garde bien de nous expliquer les raisons qui mènent à cet état de fait ! Les guerres de résistance face à un envahisseur peuvent prendre diverses formes et notamment celle d'une réplique terroriste. Encore une fois, l'auteur ne se borne qu'à survoler ce sujet même si c'est purement insidieux dans une espèce de banalité de la terreur.
Sur le fond, j'ai trouvé qu'il y avait des situations bien puériles. La fin m'a également interloqué pour son côté assez abrupt du genre "alors, tu sautes ou pas !". J'espère à titre purement personnel que cette société en perte de repères trouve un jour le chemin de la sagesse pour célébrer la paix des braves. On peut toujours rêver !
Les dessins ne m'emballent pas (simplistes limite naïfs), les personnages ne sont pas très intéressants (taxi désabusé et jeune fille riche désœuvrée) et leur histoire pas très crédible avec une fin ambigüe.
Pourtant c'est une lecture intéressante par la description de la société israélienne qui survit sur fonds d'attentat et qui ne voient pratiquement pas d'arabes (hors quelques domestiques).
A lire donc.
Alors que le dessin se fait un peu naïf, on se laisse tranquillement prendre à savoir ce qui est vraiment arrivé au père de Kobi. Il est disparu, serait-il ce cadavre calciné qu'on ne peut identifier, victime d'un attentat?
J'aime bien pouvoir lire des bd provenant d'autres parties du monde; comparer les manières de vuve, le culturel.
Au-delà de cette histoire lente et correcte, se dessine un petit road movie sympathique.
La bonne nouvelle derrière "Exit Wounds", c'est que la "nouvelle bande dessinée", ambitieuse, exigeante, sans tabous, auto-biographique ou romanesque, est en train de fleurir un peu partout, et même em Israël, pays qu'on imagine plus facilement en train de survivre entre terreur et répression. La mauvaise est que, au delà des attentats et de la vie qui ne vaut plus très cher, les pères sont partout les mêmes : mauvais (pères, donc), inconstants, infidèles, menteurs. Disparus. Invisibles. Et que leurs fils, partis à leur recherche, ne valent qu'un tout petit mieux. Mais il y a l'amour, le sexe, qui peut peut-être tout racheter. A condition que l'on ait quelqu'un d'assez solide en dessous de l'arbre pour nous rattraper quand on saute de la branche où l'on était perché. Y a-t-il une morale dans ces dessins encore plus "ligne claire" que la "ligne claire", au point d'en devenir évanescents ? Y a-t-il même un sens autre que celui que notre propre quête lui donnera ? "Exit wounds" est béant comme une blessure, donc, mais d'un vide accueillant, ce vide de corps et de vies qui ne demandent encore qu'à être remplis.