D
e Banquise à Kuklos en passant par Le cirque aléatoire ou Guerres civiles, Sylvain Ricard a souvent été l'instigateur d'ambiances sombres et oppressantes en compagnie de son complice Christophe Gaultier. En collaboration avec Maël, avec qui il a déjà réalisé l'excellent Les rêves de Milton, il s'attèle ici à l'adaptation d'une nouvelle de Franz Kafka.
D'emblée, il donne l'impression de s'avancer en terrain connu, tant il semble à l'aise dans l'univers de cette figure emblématique de la littérature. De l'absurde, une atmosphère pesante, des personnages acculés, une violence sourde, un rythme lent mais implacable... autant d'ingrédients réunis avec brio pour une critique acerbe d'une justice aveugle et expéditive où l'humanité et la compassion n'ont pas droit de cité. Kafka a souvent fustigé la bureaucratie sous toutes ses formes, dans tous les cas déshumanisée, et Dans la colonie pénitentiaire est certainement une de ses charges les plus virulentes car elle s'attaque à une véritable institution : la peine de mort. Non seulement la peine de mort, mais aussi la façon de l'appliquer, souvent avec un raffinement de cruauté. La machine mise au point par l'ancien commandant de la colonie est à cet égard un modèle du genre, magistralement décrite avec une froideur innommable par son plus ardent défenseur. Un homme qui aura donné sa vie à son instrument, vivant sa passion du devoir accompli avec une inébranlable conviction.
La qualité d'une adaptation n'est pas facile à juger mais celle-ci, particulièrement fidèle, est à classer parmi les meilleures. Passer d'un médium à l'autre implique d'imposer aux lecteurs sa propre vision de l'œuvre originale, qui ne correspondra pas forcément aux images qu'ils s'étaient eux-mêmes inventées. Exercice délicat et succès éclatant pour les deux auteurs. Avec une économie de moyens, c'est-à-dire de rares personnages perdus dans le décor désolé d'un désert aride, ils parviennent à maintenir la tension d'un bout à l'autre pour mener à une fin inéluctable. Le déroulement de l'histoire, lent mais ininterrompu, repose ainsi sur un quasi-monologue et une succession de plans rapprochés, de cadrages qui prennent à revers les difficultés imposées par le texte de base.
Parmi le nombre sans cesse croissant d'adaptations littéraires, le tri s'avère nécessaire autant qu'ardu. A n'en point douter, Dans la colonie pénitentiaire est un incontournable. D'abord pour les admirateurs de Franz Kafka, dont ils retrouveront le génie universel et intemporel. Ensuite pour les amateurs de Sylvain Ricard, qui a su y insuffler une note toute personnelle. L'ensemble, enrobé de couleurs d'une grande finesse signées Albertine Ralenti, se prévaut en outre d'un dessin qui ne souffre aucun défaut. Du grand art, assurément !
BD ASSEZ DEROUTANTE N'ETANT PAS FAN DE KAFKA J'AI EUT DU MAL A "RENTER" DEDANT
RESTE LES DESSINS DE MAEL SUPERBE ET ENVOUTANT
A LIRE SANS PLUS