A
lamut, la capitale de la galaxie d'Irth, n'est plus qu'un vaste champ de batailles. Le commandeur Braso tente de s'enfuir et d'échapper à la haine des insurgés d'Edaleth fomentée par un ex-compagnon de route, Mayak le Libérateur. Fin tacticien, ce dernier a su s'attirer les grâces de deux femmes d'exception, Ama et Leïna, qui ont joué un rôle décisif dans la victoire finale. Ainsi, Braso le dictateur va bientôt laisser sa place à Mayak le démocrate. C'est du moins ce que laissent penser les beaux discours du grand sauveur du peuple des opprimés.
Libération clôt un triptyque entamé il y a un peu plus de trois ans. Une série courte, cohérente, intéressante... autant de qualités plutôt rares face à des productions du même style qui, au mieux, se terminent tant bien que mal avec une fin nébuleuse ou capillotractée ou, au pire, ne connaissent pas de suite et laissent le lecteur complètement frustré. Comble du paradoxe avec Les Insurgés d'Edaleth, le monde créé par les deux scénaristes, Nicolas Tackian et Stéphane Miquel, est si complexe, si consistant, qu'il est presque dommage de voir ainsi une bonne histoire de science-fiction s'achever aussi rapidement.
Les thèmes du récit, a priori classiques, de la conquête d'une planète, de la chute d'un régime ditactorial, de la prise de pouvoir des plus faibles, sont en définitive beaucoup plus piquants. La religion est très présente et justifie en partie la haine que se vouent les différentes castes. Il est difficile de ne pas comparer Edaleth à Jérusalem. Le contrôle de la ville, plus qu'une contestation de territoire, devient un véritable symbole. Par ailleurs, les auteurs abordent, avec intelligence et sans tomber dans un anticléricalisme primaire, les rouages qui conduisent un peuple à être manipulé par un homme doté d'un fort charisme et sachant convaincre les plus réticents du bien-fondé d'une guerre sainte. Autre parallèle, l'utilisation abusive qui peut être faite des media. L'invasion d'Alamut est couverte par une chaîne de télévision, sous contrôle de l'Etat, qui donne à longueur de temps des informations erronées et censurées. Là encore, l'analogie avec CNN et le conflit en Irak est flagrante.
La narration est rythmée par la rivalité de deux femmes, Ama et Leïna, amoureuses de Mayak. Loins de jouer le rôle de simples faire-valoir, elles deviennent au fil du récit absolument indispensables. Bien sûr, il faut passer outre le traditionnel cliché, "brune vs blonde", mais le talent d'Alain Brion et son trait hyper-réaliste font rapidement oublier ce petit inconvénient. Les visages des jeunes filles ainsi que leur plastique sont particulièrement réussis même si le dessin peut paraître, par moments, froid et figé.
Autre qualité de la série, l'absence de manichéisme. Il n'y a dans le récit ni bons ni méchants ou du moins ils ne sont pas présentés comme tels. Ce sont simplement des hommes avides de pouvoir qui vont tout mettre en œuvre pour accéder à la récompense suprême : régner sur la galaxie d'Irth. Celle-ci est composée de sept planètes et là encore, il est dommage que seules trois d'entre elles aient fait l'objet d'une description précise, tant les décors ainsi que les ambiances, tantôt chaudes et désertiques à Edaleth, ou froides et polluées à Alamut, sont remarquables.
Le troisième tome refermé, il faut maintenant espérer que les auteurs aient la volonté de développer un univers au fort potentiel et qu'un éditeur ait la bonne idée de les publier. Curieusement pourtant, les récits de science-fiction de ce calibre ne courent pas les rues ou plutôt n'envahissent pas les bacs. En attendant, il convient de se satisfaire de cette mise en bouche très goûteuse mais qui a aussi (en vain ?) mis en appétit.
Lire la chronique du tome 1 des Insurgés d'Edaleth
Lire la chronique du tome 2 des Insurgés d'Edaleth
Cete série s'adresse aux amoureux de la SF. Elle ressemble étrangement à Dune au niveau des décors et du scénario. Une histoire de complots avec les trahisons qui y sont obligatoirement liées. Les dessins sont sublimes, mélangeant dessin classique et informatique (voir aussi "L'Empire des Meccas). Excellente série. À lire absolument.