"Les petits riens, un livre avec beaucoup de pas grand-chose."
Fausse modestie ? Eclair de lucidité ? Sens de l’autodérision mêlée de sarcasme ?
Comme d’habitude, un peu des trois. Il est loin derrière nous le moment où l’on a refermé Approximativement avec le bonheur de la découverte et de la nouveauté. Aujourd’hui, reste le plaisir, ce qui n’est déjà pas rien, de suivre ce même personnage anxieux, hypocondriaque, mordant, qui use de son sens aigu de l’observation pour placer quelques réflexions plus ou moins cinglantes. Evidemment, il a changé, le lecteur de l'époque aussi. Mais comme l'heure n'est pas à la rétrospective studieuse et méthodique, contentons-nous de dire qu'il n'y a rien d’ébouriffant dans la forme ni dans le fond par rapport au premier volet de ces Petits riens. Lewis Trondheim ne gagnera pas forcément beaucoup de nouveaux fans avec Le syndrome du prisonnier mais, si besoin en est, il s’assurera la complicité de son socle de – très nombreux – fidèles qui attendent déjà le prochain. Tout juste relèvera-t-on que l’aquarelle, technique sur laquelle il faisait ses armes il n’y a pas si longtemps selon ses dires, fait désormais et avec bonheur partie du décor, notamment pour le rendu de scènes marines très réussies.
Le véritable embarras est pour celui qui doit en parler, pourvu qu’il ait quelques scrupules à ne pas répéter ce qu’il avait dit à propos de La malédiction du parapluie. Quel manipulateur ce Trondheim ! Il réussit à faire de la paranoïa un mal contagieux (quoiqu’inoffensif à ce degré-là).
La chronique de Les petits riens t1
Le contenu de ce 2° tome est rigoureusement comparable au premier. Trondheim poursuit son introspection à travers ce faux journal intime rempli des petits riens de son quotidien, de ses observations et questionnements existentiels complétement débiles, qui en plus d’être assez drôles et pertinents, dévoilent parfois des traits peu avenants de son caractère. Cette (pseudo)sincérité est assez surprenante. Dans quelle mesure son avatar dessiné est-il semblable à sa personne ? Lui seul le sait.
Je n'avais pas forcément suivi la seconde carrière de Trondheim, après sa rupture radicale et sa dépression (?), et la lecture de ce second tome de ses "Petits Riens" procure d'abord l'immense bonheur de retrouver à la fois un grand artiste - au talent graphique et narratif de plus en plus mûr et affirmé, certaines planches ici étant à mon humble avis formellement magnifiques - et une sorte d'ami, dont les idiosyncracies nous font sourire, mais nous rappellent finalement combien le monde - que nous prenons si souvent "at face value", comme disent les anglo-saxons - peut-être complexe et effrayant. Journal de bord d'un être humain confronté aux mêmes tracas de la vie quotidienne que nous, mais également aux pressions supplémentaires générées par le succès et la notoriété, "le Syndrome du Prisonnier" fait également profondément partie de cette culture ("punk" ou "DIY", au choix) qui encourage chacun d'entre nous à oser prendre en main la création artistique : ouvrir grand les yeux et plus grand encore son coeur, voici le secret, ici encore confirmé, d'un beau livre.