N
ew-York, 2075. Stooge, alias ‘S.’, vient de dérober une grosse quantité de Heavy Liquid à un mystérieux cartel du crime. Cet ancien flic reconverti dans le banditisme est également accro à cette substance aigre comme du chrome massif, qui procure un sentiment d’invincibilité et donne la sensation de voir le monde à travers 15 éclats d’un miroir brisé. Poursuivi par Crac, Kip et Coupé, trois tueurs masqués au service du patron de la pègre, ‘S’ doit maintenant accomplir une tout autre tâche pour le commanditaire de ce vol. Gaylord Schmeltz, alias LE Collectionneur, lui demande de retrouver la plus grande artiste de l’époque afin de couler une œuvre d’art parfaite dans un alliage à base de cette drogue métallique qu’il vient de subtiliser. S’il parvient à échapper aux truands lancés à sa poursuite, ‘S’ risque toutefois de se faire rattraper par le passé car cette sculpteuse de renom qui a disparu depuis près de cinq ans ne lui est pas vraiment inconnue.
Avec deux parutions simultanées sur le marché francophone (Heavy Liquid chez Dargaud et Batman Année 100 chez Panini), ce maître de la bande dessinée underground, encore récemment couronné aux Eisner Awards, semble enfin percer de l’autre côté de l’Atlantique. La trame de cette œuvre emblématique de Paul Pope n’a pourtant rien de vraiment original : un antihéros, un énigmatique commanditaire, une ancienne flamme et un passé qui revient au galop. Ce sont donc surtout les propriétés intrigantes et la provenance inconnue de cette substance hallucinogène qui constituent l’intérêt principal de ce jeu du chat et de la souris entre ‘S’, la femme qu’il recherche et les assassins qui lui collent aux basques.
Malgré quelques accents novateurs, principalement au niveau des moyens de communication et de transport (NY – Paris en trente minutes), l’auteur dépeint un monde qui ne diffère pas trop du nôtre au niveau technologique. Le futur mis en place par Pope, situé dans un cadre glauque qui se caractérise par des ruelles sordides et des appartements délabrés, est à la fois familier et inquiétant. Demeurant toujours en dehors des sentiers battus, Paul Pope livre un one-shot à la croisée des genres, entre comics, manga et BD franco-belge. Des influences plurielles qui se retrouvent également au niveau du graphisme, avec une galerie d’art inspirée de la sculpture de l’artiste belge Panamarenko et des masques de méchants à la Picasso. Le trait dynamique et précis de ce dessinateur hors pair est très efficace sur les scènes d’action, tandis que la colorisation bichromique accentue le côté légèrement rétro de l’univers rock’n’roll sixties/seventies insufflé par Pope.
Malheureusement, si cette œuvre, dont le titre et le nom du personnage principal s’inspirent du travail d’Iggy & The Stooges, excelle au niveau graphisme et ambiance, le scénario et la narration demeurent un peu à la traîne. L’intrigue a du mal à émerger : plusieurs pistes sont trop peu développées et certaines longueurs auraient pu être évitées. Cependant, le style de Paul Pope restant inimitable, les nombreux fans n’hésiteront pas à se jeter sur ce thriller urbain d’anticipation mélangeant courses poursuites, art et histoire d’amour.
Découvrez également :
La chronique de Batman Année 100
Attention voila de l'excellent Pope !!!!!! Génial merveilleusement dessiné Comme son colllègue Burns Voila un chef d'Oeuvre de la BD!!!!!!!!
A la croisée de différents styles, l'univers de Paul Pope frappe par son côté atemporel. On est "à New York dans un futur proche", mais ce New York pourrait être celui de "Taxi Driver" ou la ville sans nom de "Sin City". Si c'est un "futur proche" la vision de l'avenir est désabusée, entre vieux immeubles et vieilles voitures. L'extravagance technologique s'y fait rare. Ici on parle plutôt de drogue, la drogue comme expérience intime et violente. La noirceur prévaut, servie par un encrage aussi présent que la couleur minimale, et l'action est implacable. Le rose amer survit comme un rêve d'artiste improbable dans un monde qui a touché le fond.