Je ne sais pas ce qu'il s'est passé... Le soleil était déjà haut dans le ciel et j'avais l'impression que cette journée ne se terminerait jamais. Tout est arrivé si vite... J'étais assis à mon bureau lorsque les baies ont volé en éclat. J'ai juste le temps de me jeter à terre et de sombrer, inconscient. Dany a eu moins de chance que moi.
Il faut que je sorte du bâtiment ! Les tremblements sourds, cette chaleur, le bruit du métal qui rompt, cet ascenseur qui n'arrive pas ! Les escaliers ! ... L'extérieur enfin !
Pas un bruit, les rues sont désertes, dévastées. Je ne comprends rien. Pas un bruit et pourtant cette sensation bizarre... d'une présence. Là dans le ciel ! Des missiles... Il faut que je me tire... Vite !... Cette ombre... Non... pas comme ça !!
Tel fut le sort de ceux qui assistèrent à l'arrivée des Mekas...
Contrairement à ce que son thème laissait prévoir, Meka n'est pas un album facile d'accès. Loin des circonvolutions de la série animée Evangelion, Morvan nous offre cependant une réflexion pour le moins intéressante sur la condition militaire. Laissés pour compte au milieu du champ de bataille, le lieutenant Enrique Llamas et sa mécano stagiaire vont découvrir une horreur qu'ils n'imaginaient pas autrement que sous une forme statistique. Personnages formatés par une guerre déshumanisée à l'extrême, ils seront ébranlés lorsque, dans leur course, ils devront enjamber les cadavres jonchant le sol d'immeubles dévastés. Le contraste est fort et grande l'horreur des militaires: rien ne les préparait à cela. Morvan parvient à mettre en scène avec une certaine justesse la réalité des dommages collatéraux et, plus simplement, la réalité des conflits armés dont on peine encore aujourd'hui à concevoir l'existence.
L'absence certaine de longs dialogues et d'informations sur l'univers dérouteront sans doute plus d'un lecteur, habitué à un contenu plus 'fourni'. Meka n'est certes pas une oeuvre littéraire. Sa prétention est toute autre, elle tient de l'ordre du ressenti.
Le trait de Bengal va tout à fait dans ce sens. Nerveux et expressif, il restitue au dessin sa véritable place. Il n'est plus le support d'un scénario mais devient le scénario lui-même. La tension se lit ici dans le regard des protagonistes, elle n'est plus décrite de l'extérieur. Comme son titre 'Inside ' le laissait présager, Meka est une aventure intimiste. Celle de deux êtres inconscients, coupés de toute réalité, exposés nus aux conséquences directes de leur actes.
La mise en couleur est également l'un des points forts de l'album. Digitale, elle dépose sur le dessin une matière et des teintes qui donnent à Meka son style lumineux et unique. Les ciels sont magnifiques et procurent aux extérieurs une impression d'espace contrastant nettement avec l'obscurité des entrailles du Méka.
De Miyazaki (Le château dans le ciel) à Craig Mullins (Final Fantasy: The Spirits Within) en passant par Nihei (Blame), Bengal assume parfaitement la somme de ses influences et signe ici un premier album abouti et prometteur.
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