L
ondres, 1897. Après une soirée passée au théâtre, Jonas Demm raccompagne son ami Rudyard Kipling à son domicile. Il en vient à lui raconter une étrange enquête qu'il avait dû mener sept ans auparavant. Tout avait commencé en 1887 lors d'une expédition scientifique commandée par le Vatican à Kundundjik en Irak. Un mystérieux cylindre avait été trouvé et ramené en Europe. Trois ans plus tard, Londres est victime d'une série de meurtres tous plus sordides les uns que les autres. Chargé de retrouver l'assassin, Jonas Demm est confronté à la pègre, à la bourgeoisie de la fin de l'époque Victorienne mais aussi à ses propres démons.
Une nuit chez Kipling n'est pas à proprement parler une nouveauté. La première partie du récit avait fait l'objet d'un premier tome paru en 2005 aux éditions Glénat dans la collection "Loge Noire" sous le titre de La Voix des ténèbres. L'intégralité de l'histoire a finalement été éditée dans la collection "Intégra" chez Vents d'Ouest. La différence entre les deux ouvrages ? La disparition de la colorisation mais surtout une extrême densité de lecture en ce qui concerne le second.
Dès les premières cases, il y a de quoi être submergé par la multiplication des personnages, par l'abondance de détails instructifs mais souvent inutiles, par des dizaines d'informations hétéroclites traitant aussi bien de l'origine des firmes pétrolières russes que de considérations sur la véritable identité de Jack l'Eventreur. Les nombreux retours en arrière pour s'assurer d'une bonne compréhension gâchent non seulement le plaisir de lecture mais aussi le suspense, nécessaire à ce style de récit.
Pourtant, les idées de Jean-Louis Le Hir ne manquent pas et sont plutôt originales. Outre une ambiance glauque à souhait, un soupçon de fantastique rappelant certaines nouvelles de Lovecraft, une énigme à tiroirs pour le moins complexe digne d'un scénario de Edgar Allan Poe, l'auteur s'est amusé à incorporer des personnages historiques ou issus de la littérature anglo-saxonne. Ainsi, il n'est pas rare d'apercevoir au détour d'une planche Sir Arthur Conan Doyle côtoyer Bram Stoker, lui-même en conversation avec un certain Mister Hyde. Les clins d'œil à la bande dessinée sont légion et prennent la forme d'hommages à Hergé, Jacobs ou Pratt.
Finalement, ces sympathiques "cross-over" retiennent plus l'attention que l'intrigue principale, ce qui est un comble pour une histoire censée faire frissonner le plus endurci des lecteurs. Pourtant, certains personnages font réellement froid dans le dos, notamment le docteur Milton Pickers, complètement défiguré, qui aurait très bien pu tenir une place de choix dans un Freak Show, très prisé à l'époque. Pour le reste, le trait en noir et blanc est agréable, parfois un peu brouillon et rend la distinction des visages plutôt délicate.
Une nuit chez Kipling est un album difficile d'accès qui demande une attention soutenue du début à la fin de la lecture. Il en rebutera plus d'un et risque fort de décourager les plus férus de romans noirs. Un scénario plus épuré aurait certainement accru l'intérêt et fait ressortir toute l'imagination de Jean-Louis Le Hir malheureusement noyée sous une cascade d'idées éparpillées et désordonnées.
Je n'ai jamais vu des dessins m'empêchant à ce point de suivre l'histoire.
Les femmes de cet ouvrage, sont toutes représentées de la même manière. Je n'adhère pas du tout à ce style de dessin.
L'histoire est intéressante, et en fait je serais curieux, voire intéressé de lire une bd avec Jean-Louis Le Hir à la plume et quelqu'un d'autre aux crayons.