A
thos, naguère mousquetaire du roi, n'est plus que l'ombre de lui-même, l'âge d'or qui fit de lui quelqu'un d'important est révolu. Il erre dans les bars de Montpellier à la recherche d'un passé glorieux qu'il entretient depuis 400 ans. Porthos est mort et Aramis s'est adapté à l'époque actuelle, seul Athos souhaite toujours en découdre pour retrouver sa splendeur d'antan. Une attaque extraterrestre lui fournira l'occasion de croiser à nouveau le fer et de prouver qu'il est toujours digne de ce costume qui imposait le respect.
Plus que n'importe quel auteur, Jason sait créer la surprise à chaque nouvel album tant le ton de ses histoires y est totalement imprévisible. Il suffit de jeter un œil sur la couverture de celui-ci pour se rendre compte que Le Dernier Mousquetaire témoigne à nouveau de son imagination débordante. Ici, il va jouer en permanence avec ce décalage entre deux époques, le passé et le futur. Un savant mélange d'Alexandre Dumas et de Tim Burton, il fallait oser le faire.
Le récit, placé sous le signe de l'humour, fonctionne bien qu'il soit cynique (Athos alcoolique et désabusé par la vie) ou de situation (duel de l'épée face aux pistolets lasers, canon placé sur Mars capable de toucher les monuments de Montpellier). Jason se délecte des situations les plus absurdes à l'image de ce roi demandant à un de ses gardes de lui donner l'heure sur sa propre montre. Le personnage d'Athos est attachant, lucide sur sa déchéance lorsqu'il affirme qu'il lui faudra songer à faire des coupes dans sa biographie pour éviter que les générations futures ne retiennent certains passages qu'il est en train de vivre. Le Dernier Mousquetaire, contrairement aux habitudes de l'auteur, se révèle plutôt comme un album bavard, les dialogues y sont nombreux et savoureux.
La sobriété graphique de l'auteur est toujours de mise en digne héritage de la ligne claire. Il excelle à rendre émouvants des personnages qui sont, au départ, inexpressifs avec des yeux pleins, sans regard. L'album sonne par moment comme un hommage à Alex Raymond et la planète Mongo qu'il s'agisse du roi des extraterrestres ou de leurs vaisseaux spatiaux que n'aurait pas reniés Flash Gordon. La colorisation vive d'Hubert contribue également à cet effet nostalgique des récits de science-fiction des années 50.
Derrière une naïveté à la fois dans le ton et dans le trait, Jason parvient à imaginer un récit profond sur le dernier combat d'un homme qui ne veut pas tomber dans l'oubli. L'humour est à la fois subtil et décalé. Un album résolument à contre-courant mêlant avec talent les récits de capes et d'épées et de science-fiction.
Jason sort enfin un peu de son oeuvre habituelle même si on a droit toujours aux mêmes personnages.
Ici, il s'agit d'un mélange indigeste entre le dernier mousquetaire qui a survécu pendant 400 ans on ne sait comment et la planète Mars qui est habitée par un empereur rêvant de conquérir la Terre avec des robots dignes du film "Planète interdite". Oui, c'est kitch à souhait.
Bien entendu, même la nonchalance des protagonistes fait mal passer la pilule. On s'ennuie également très vite car les péripéties sont enfantines.
Je me demande ce que l'auteur a voulu prouver en réalisant cette bd. Un clin d'oeil aux invasions martiennes ? Etait-ce pour souligner éventuellement que c'est un OVNI dans le paysage de la bd européenne ? Un pour tous et tous pour un dans une société en perte de valeurs ? ... Bref, ce n'est pas la joie.