D
écouverte macabre dans un petit appartement de la rue Morgue à Paris. Une mère et sa fille sont retrouvées sauvagement assassinées dans des postures peu orthodoxes. L'une est décapitée tandis que le corps de la deuxième est à moitié enfoncé dans le canon de la cheminée. Détail troublant : toutes les issues possibles sont fermées...de l'intérieur ! La police a tôt fait d'accuser Lebon, un commis de banque, qui avait remis une forte somme d'argent aux deux femmes quelques jours auparavant. L'affaire semble donc classée. C'est sans compter sur le chevalier Dupin, un noble désargenté et doté d'une capacité d'analyse hors du commun. Les conclusions de l'enquête sont loin de le satisfaire et il décide de chercher une toute autre explication à ce mystère.
Double assassinat dans la rue Morgue est l'adaptation d'une nouvelle d'Edgar Allan Poe publiée en 1841. L'écrivain américain est l'un des premiers à utiliser un détective privé comme personnage principal, et ce, bien avant Sherlock Holmes créé par Arthur Conan Doyle en 1887 ou Hercule Poirot né au début du XXème siècle sous la plume d'Agatha Christie. Surtout, il met en scène l'une des bases de l'énigme a priori insoluble : une pièce close sans indice et un meurtre sans mobile apparent. Ce concept deviendra célèbre par la suite notamment avec Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux paru entre 1907 et 1908.
Le récit original est plutôt austère : une première partie montrant l'intelligence exceptionnelle du chevalier Dupin, une deuxième sur le mystère proprement dit, un état des lieux très précis et le désarroi des policiers face à cette étrange affaire. La dernière partie est consacrée à un long monologue du détective expliquant dans les moindres détails les conclusions de son enquête.
L'adaptation promettait d'être ardue ou tout simplement trop rébarbative. C'est la raison pour laquelle Céka, le scénariste, a pris la liberté de s'éloigner quelque peu de l'histoire originale et d'y incorporer des éléments nouveaux pour l'égayer et en rendre la lecture plus agréable et plus fluide. Par exemple, l'apparition d'un personnage extravagant, servant de faire-valoir à Dupin, qui brille par son excentricité et ses capacités de raisonnement très terre à terre ou celui d'un inspecteur totalement égocentrique dont la principale préoccupation est de faire la une des journaux.
Déjà remarqué dans Le procès, le dessin de Clod est toujours aussi agréable. Une ligne claire réhaussée d'un trait gras plus ou moins prononcé en fonction des moments de gravité ou de légèreté. Le Paris du XIXème siècle est très bien rendu et les personnages, parfois à la limite de la caricature, s'intègrent parfaitement à l'environnement. A noter à la fin de l'album une biographie très instructive de l'écrivain américain ainsi que les dessous de la conception et de la mise en images de la nouvelle.
Double assassinat dans la rue Morgue est une adaptation réussie de l'œuvre de Poe. L'album se lit d'un traite, peut-être un peu trop vite d'ailleurs. Même si la solution finale peut paraître un peu alambiquée pour les esprits tatillons, sa complexité et sa logique très cartésienne forcent néanmoins le respect.
Lire la chronique du Procès des mêmes auteurs
Je n'ai pas lu l'oeuvre originale de d'E.A.Poe, mais j'ai été un peu déçue par la simplicité de l'enquête et surtout le dénouement quelque peu tiré par les cheveux, même si, le véritable enjeu est surtout de mettre en avant les qualités de déduction exceptionnelles du Chevalier Dupin. Entre donc l'enquête médiocre et les dessins très secs mais malgré tout qui s'adaptent bien à l'époque, on passe un moment agréable avec ce one-shot original qui se lit très vite.
Une adaptation réussie qui cependant vous privera du plaisir de dénouer l'intrigue
si vous avez déjà lu Poe ou connaissez le mystère des chambres closes où un
crime est commis et que nul ne peut sembler en être l'auteur.
Cependant, on ne peut tenir rigueur de cet état de fait sur le plaisir de lecture car
une adaptation demeure une adaptation. Pourrions-nous demander à une
adaptation sur la vie de JFK de se terminer autrement que par un meurtre?
Si on a lu Leroux ou tout autre crime comprenant une chambre close, on connait
probablement le dénouement d'un tel crime, ce qui en bout de ligne enlève la
surprise.
Cependant, pour un néophyte du genre, le plaisir sera présent. Le dessin sert
bien l'époque; j'aime le rondouillard des formes. C'est différent!
À la finale, un album qui se consomme très rapidement mais qui vaut un certain
coup d'oeil. Après, tous les mystères des chambres closes n'auront plus de secret
pour vous!