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ibéré sur parole de l’Asile d’Arkham, le Joker use de l’appareil médiatique afin de renforcer sa nouvelle image de criminel repenti. Batman, tentant de lever le voile sur cette libération douteuse de la part d’un panel de psychiatres, se retrouve sur une photo compromettante où il semble maltraiter l’ancien client d’Arkham. Une affaire gonflée hors proportions par les médias et que le Joker s’empresse d’exploiter au détriment du justicier de Gotham City. Mooley Williams, journaliste respectable couronné d’un Prix Pulitzer, semble impliqué dans cette folie médiatique et partage un secret d’enfance douloureux avec Bruce Wayne.
Regroupant les cinq épisodes de la minisérie de Sam Keith, ce Batman - Secrets exploite les filons classiques des aventures de Batman. Tout d’abord, une confrontation avec le Joker qui, dans l’esprit du Rire et Mourir d’Alan Moore, se nourrit de la relation ambiguë entre ces deux personnages tourmentés. Ensuite, les souvenirs d’enfance de Bruce Wayne qui ont pour habitude de hanter de manière souvent obsessionnelle le quotidien du plus grand détective de Gotham City. Et finalement, une critique concernant le pouvoir des médias et la remise en liberté de dangereux criminels par des psychologues, qui n’est pas sans rappeler le scénario du cultissime Dark Knight de Frank Miller.
La construction, jouant d’allers-retours fréquents dans le temps et d’interludes, peut déboussoler au début, mais contribue à faire évoluer efficacement l’histoire vers son climax. Creusant les secrets et la psychologie de ses protagonistes au fil des pages, ce récit construit sur la folie du Joker et les anciens démons de l’homme chauve-souris s’avère plus intimiste que d’habitude. Le petit jeu psychologique machiavélique mis en place par le Joker fonctionne à merveille, tandis que l’exploration du passé du chevalier noir ne se concentre pas sur la perte de ses parents comme d’usage, mais sur un autre événement, certes peut-être un peu niais.
Si au niveau du scenario Sam Keith s’inspire des plus grands, son graphisme ne manque pas de personnalité. Dans un style torturé assez surréaliste, qui fera surtout le bonheur des amateurs du travail de Dave McKean sur Arkham Asylum, Sam Keith livre une atmosphère très sombre qui sied à merveille à l’univers du Dark Knight. Si son dessin semble moins convenir au physique de Batman, la représentation de son pire ennemi, au sourire grandissant et aux yeux emplis de folie, mélange admirablement le côté burlesque et terrorisant du personnage.
Extravagante dans la forme, cette saga dont la trame reste sagement dans les sentiers battus ravira certainement les Bat-fans qui privilégient le fond à l’action.
« Batman : secrets » a comme un gout de déjà vu en surfant sur les rapports étroits et presque fusionnels entre le héros et son ennemi, le fascinant Joker aux personnalités multiples, passé maitre dans l’art du chantage et de la manipulation.
Si l’originalité n’est donc pas la qualité première du récit de Keith, on appréciera en revanche la critique acerbe des médias centrés sur l’information en temps réel et par le gout du sensationnel, sans travail critique ou analyse suffisante vis-à-vis du sujet traité.
Autre qualité non négligeable de l’œuvre, le graphisme à la fois sombre et créatif avec une succession de motifs visant à souligner les délires schizophréniques d’un des criminels les plus fascinant de DC comics.
Appréciable sans doute à défaut d’être génialement novateur.
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