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irection la Bolivie pour la section WATCH qui enquête sur les douteuses pratiques d’une faction militaire privée (fut un temps on appelait des mercenaires lorsque leurs commanditaires étaient d’égocentriques aspirants dictateurs plutôt que des conseils d’administration de grands groupes économiques et financiers). Les prélèvements sanguins réguliers auxquels sont soumis une population locale des hauts plateaux paraissent en effet pour le moins suspects.
La lignée Kallawaya clôt la deuxième mission de WATCH, cette équipe secrète rattachée à l’UNESCO par l’une de ces nombreux tentacules dont les scénaristes aiment doter les structures gouvernementales. L’avantage du procédé consiste à procurer un certain degré de réalisme et la branche issue de l’Organisation mondiale qui est présentée ne frise pas l’exubérance (ceux qui attendent désormais de pied ferme une UNICEF team opérant en costumes de Oui-Oui – bagnole jaune comprise pour les poursuites - , Teddy bear et Barbie devront patienter encore un moment ; quoi que pour la dernière nommée les exemples sont nombreux…). La petite équipe efficace et soudée dont l’existence et les faits d’armes sont inconnus du public excite toujours l’intérêt des adeptes du "on nous cache tout". L’exercice permet parfois de se laisser aller à quelques fantasmes et excès qui peuvent pimenter un récit comme le faire basculer dans le roman de gare.
Ces limites ne sont jamais franchies avec WATCH qui demeure très sage et se contente, mais avec habileté et conviction, de jouer la carte du mode «série TV». Du résumé qui ouvre l’album (Previously on… euh Précédemment dans) à la conclusion qui s’accompagne de quelques images de la mission suivante (bon sang que c’est pénible quand c’est sur petit écran ça !), les principaux éléments sont réunis. Le groupe ne manque pas de personnalités de caractère sans pour autant se laisser trop aller à la caricature, les origines géographiques et culturelles des membres de l’équipe permettant de marquer leurs différences. Lorsque sur le fond l’argument n’est pas ébouriffant, il reste toujours les personnages dont le scénariste révèle les facettes et le passé par petites touches pour construire leurs relations. De quoi contenter l’amateur qui sur écran privilégie le format feuilletonesque au traditionnel 90-120 minutes trop court pour développer cet aspect et faciliter l’empathie envers les figures permanentes de la série. Michaël Le Galli s’offre par ailleurs avec Duncan un «méchant» moderne et crédible à mettre régulièrement dans les pattes de ses protégés. La touche originale, pour compléter cette architecture plutôt classique, c’est évidemment le choix d’asseoir les intrigues sur des sujets contemporains (ici la biopiraterie) associant éthique et ethnique. Une bonne balade autour du globe avec une dimension morale et sociale, c’est à manier avec précaution mais pour le moment, l’ensemble fonctionne parce qu’il privilégie l’action plutôt que la leçon.
De ce point de vue, le dynamisme est de rigueur. Le trio Michalak-Erbetta-Bono (il faut bien une triplette pour tenir le rythme d’un album tous les six mois pour éviter que le lecteur en haleine ne l’ait mauvaise) remplit son office. Propre et tendu vers l'efficacité. Le terrain de jeu c’est la société et le monde contemporain, pas d’effets de style inutiles, pas d’enluminures ni de personal touch encombrante à l'instar des "faiseurs" professionnels de la petite lucarne. Les changements de lieu, les dialogues passent sans encombre, les coups de tatanes atteignent leur but et lorsque ça canarde les BLAM et TRRRRRR ne sont pas les seuls éléments qui permettent d’y croire. A ce propos, la longue scène de fusillade de la deuxième partie de récit doit vraisemblablement au savoir-faire du story-boarder qui avait invité son lecteur à une poursuite haletante sur les toits dans le troisième épisode des Cercles d’Akamoth dont il assurait seul le dessin.
Pas de révolution de palais dans le gotha de la série d’action avec WATCH mais une suite agréable de missions-dyptiques à suivre, ne serait-ce que pour en apprendre toujours un peu plus sur ses personnages.
>> Chronique du t2
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