L
e jeune Blondin rêve d'être pirate, d'empoigner un sabre comme le célèbre Francis Drake ! En guise de sabre, c'est un balais qu'il manie et, faute d'être pirate, il est mousse à bord du "Poison", le bateau du capitaine La Guibole. "Capitaine La Guibole !" Ce nom fait trembler les mers. Il est le plus infâme, le plus terrible, le plus cruel des pirates. Il n'a peur de rien, surtout pas du ridicule. Lui et son équipage sillonnent les océans à la recherche d'aventures et de richesses pour l'âme et le corps. Au rendez-vous, tendresse, cynisme et humour.
Pirates est le recueil de toutes les petites histoires du Capitaine La Guibole dont un premier tome, paru en 2000, n'avait jamais vu de suite éditée faute de succès. Enrique Abuli (Torpedo,...) et Christian Rossi (Jim Cutlas, le cycle des deux horizons, W.E.S.T., ...) ont créé un pirate sans pitié, capable de tuer père et mère pour trouver un trésor, dans la grande tradition des Caraïbes de la grande période de l'île de la Tortue. Tout ceci serait bien banal si l'humour instillé par les auteurs ne venait pas bouleverser l'ordre établi et rendre la cruauté plus acceptable. Qu'il est bon de rire parfois de la mort, de la torture ou de la violence gratuite. Tout en subtilité, les histoires courtes abordent bien souvent un thème classique de la piraterie pour dériver ensuite vers des fins souvent inattendues ou à des lieues du sujet de départ. Ainsi la recherche d'un trésor tourne-t-elle aux châteaux de sable ponctués d'une "lettre à maman" à pleurer, et la découverte d'une bouteille à la mer signe l'ouverture de la chasse à la "femelle". Tout est bon pour chahuter l'ordre établi et ridiculiser le capitaine ou son équipage.
Merveilleusement mis en couleur par Gibelin, le dessin de Rossi donne toute sa mesure sur les mers, où les bateaux sont majestueux et les marins prompts à la manœuvre et hardis au combat et sur terre, où les îles sont paradisiaques et les hommes rompt à courir le jupon et hardis à lever le coude au fond des tavernes. Les personnages sont laids et repoussants ou beaux et attachants mais toujours charismatiques, preuve d'une recherche poussée et tournée vers l'efficacité graphique.
Le réalisme sauvagement accouplé à l'humour : une réussite artistique à défaut d'être commerciale.
Une immense détournement des récits de pirate où l'on suit el Capitaine La Guibole et sa équipage de bras tout aussi cassés que lui.
C'est dans l' ensemble un pastiche rempli de jeux de mots et de situations burlesques mais également très porté sur le sexe. Il y a également beaucoup de morts et certaines situations rappellent la bêtise humaine dans toute sa splendeur (l'épisode avec la traitre négrière).
Nous avons enfin le droit à tous les clichés du genre: abordage, chasse au trésor, réducteurs de tête anthropophages, île perdue…
Au final, cette bande-dessinée aurait pu s'intituler 'Capitaine La Gaudriole'.