S
aint-Petersbourg, début du 19ème siècle. Tcharkov, un peintre russe doué mais sans le sou, découvre par hasard chez un marchand de tableaux une œuvre étrange et fascinante. En rentrant chez lui, il s'aperçoit que le cadre de la toile cache une quantité importante de pièces d'or. Profitant de cette aubaine, le jeune homme quitte ainsi la condition peu enviable de miséreux pour celle de notable. Cette nouvelle existence l'éloigne du sens originel de sa vie d'artiste. Au lieu de développer son talent, il devient un peintre à la mode en réalisant des portraits, une activité peu flatteuse mais très lucrative. S'il devient riche, Tcharkov se vide dans le même temps de tout son génie et de sa virtuosité d'antan. Rongé par le remords, il sombre lentement dans la folie.
Le Portrait est l'adaptation d'une nouvelle éponyme de Nicolas Gogol. Cet écrivain russe, au mysticisme exacerbé, est terrifié par la possession diabolique dont il se croit la victime. Son obsession omniprésente de la perfection artistique le pousse aux frontières de la démence. L'histoire de ce peintre tourmenté possesseur d'un tableau maléfique semble être le miroir de ses vieux démons.
Alors que le premier tome tournait autour de Tcharkov, de ses difficultés pécuniaires et de sa recherche esthétique permanente, le deuxième relate une ascension fulgurante suivie d'une lente et insidieuse descente aux enfers. Là où Le Dessin de Marc-Antoine Mathieu magnifiait une existence en la ramenant à ses valeurs essentielles, le portrait, maudit, va distiller dans les veines de son propriétaire un poison le privant petit à petit de ses capacités créatrices. Dauvillier s'est accaparé avec brio ce récit. La narration est lente, prend le temps de décrire les états d'âme du peintre, puis monte en puissance pour un final éblouissant.
Le dessin au trait gras et dépouillé de Ravard se concentre presque exclusivement sur les personnages. Il est d'ailleurs intéressant de suivre la transformation physique du héros, le développement de son embonpoint mais surtout ses yeux de plus en plus exorbités par la folie qui le guette. Quelques planches sont de toute beauté, notamment les pages 36 et 37, où dans un style totalement différent, l'auteur parvient à traduire avec exactitude toute la détresse d'un homme abandonné par la raison.
Ce deuxième tome clôt un diptyque passionnant, fidèle à l'œuvre de Nicolas Gogol. Comme le portrait, cet album cache de grandes richesses mais pas de panique ! La seule contrepartie sera certainement un large sourire à la fin de sa lecture.
Les adaptations en BD d’œuvres littéraires n'ont d"intérêt que si elles donnent envie de lire l’œuvre dont elles sont l'adaptation. Ici, ce n'est pas le cas. Correct, sans plus.