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n pape atteint de gâtisme et proche d’un retour à la poussière, voilà motif à convoitise. Le cardinal Albuferque, chef de la très sainte Inquisition, manifeste un intérêt certain pour le poste à pourvoir. Mandaté pour ramener au bercail la lance du centurion Longinus, il est bien conscient que la réussite de cette mission le placerait en position idéale pour succéder au Très Saint Père. Pour parvenir à ses fins, il décide de ne pas donner dans la demi-mesure et convoque le commando Torquemada composé de, honneur aux dames, une nonne visionnaire adepte de l’auto flagellation, un prêtre « so british » qui n’a rien d’ouvrier, adepte du six coups et tel le final d’un feu d’artifice, un moine chimiste touché par la grâce de Tchernobyl. Les trois fléaux de Dieu sont lâchés dans la nature, ça va chier, le Tout Puissant n’est pas prêt de s’en remettre.
Le ton est donné : surenchère à tous les étages. Malgré de bonnes idées, l’ensemble ne prend pas et ce qui était sans doute censé être une mise à bas de la religion catholique s’en retrouve dépendant. Les textes rongent l’espace mais n’arrivent pas à faire mouche, jamais vraiment drôles, le manque de simplicité est flagrant. Une propension à torturer chaque thème abordé dans tous les sens, à l’opposé du basique, mais tellement efficace Sacré Jésus, plombe terriblement l’ambiance et le rythme. Dénué d’une véritable insolence, celle d’un Gouriot et d’un Vuillemin de la grande époque d’Hitler=SS où la notion d’absence de limite n’était pas un vain mot, ce récit n’est pas subversif pour un sou. Il existe cependant chez ces deux auteurs encore jeunes dans le métier un potentiel qui ne donne pas là sa pleine mesure. Soit par envie de trop en faire, soit par une pratique encore trop novice des ficelles du métier, ils ne sont pas parvenus à être pragmatiques et à mettre en valeur leurs atouts : placer les bonnes répliques au bons endroits, laisser transpirer l’humour qui se dégage d’un dessin sans l’expliquer par le texte, …
C’est dommage, parce que le trait de Lemmens est prometteur et constant sur l’album. Il se dégage des principaux protagonistes une essence des plus enthousiasmantes, tant leur faciès, leur corpulence et même leur démarche sont en phase avec leurs caractéristiques psychologiques. La mise en couleur a un petit effet caméléon sur les personnages qui donne une teneur un peu fade à l’ensemble que chacun jugera en fonction de ses sensibilités.
Le graphisme de ce premier tome, Pour la plus grande gloire de Dieu, est porteur d’espoir, car il donne du caractère à cette série dont la narration reste inégale et gagnerait à se dépouiller d’un trop plein d’artifices pour s’affûter et se fluidifier.
Les dialogues sont bien écrits, mais l'histoire est très maigre et les dessins manquent de vie. Au début de la lecture, on se dit qu'on va passer un bon moment, mais au fil de celle-ci, on finit par s'ennuyer et il faut s'accrocher pour arriver au bout. Je lirai quand même le tome 2 pour voir si les défaut du tome 1 ont disparu.
Véritable bras d'honneur aux rigoureux de l'Eglise, Torquemada met un pied puis s'enfonce jusqu'aux sourcils dans le religieusement incorrect. Les personnages sont tous taillés dans le décalage et l'humour cru. Un premier album très plaisant. Est-il possible d'en faire un deuxième sans que cela soit redondant? A suivre....