C
ette nouvelle série marque le retour d’Emmanuel Lepage pour notre plus grand plaisir. Avec Névé, La Terre sans mal ou encore Alex Clément est mort, il a su s’imposer comme un des plus grands dessinateurs des années 90.
Cependant, en 2000, il a préféré marquer une pause et partir à travers le monde à la découverte d’autres cultures, d’autres hommes.
Au retour de cette expérience probablement marquante et inoubliable, il revient d’une part avec ses carnets de voyage du Brésil (édité chez Casterman) et d’autre part avec Muchacho. Grâce à cette histoire prévue en deux tomes, l’auteur signe sa première œuvre en tant qu’auteur complet.
1976, le Nicaragua est en pleine dictature. Le jeune séminariste Gabriel, issu d’une famille riche et privilégiée du pays, est un peintre de grand talent. C’est la raison pour laquelle on l’envoie exercer son art pour une église dans un petit village de montagne. Gabriel aura beaucoup à apprendre dans un environnement particulièrement rude dû à l’oppression que subissent les villageois.
Il est difficile de ne pas penser à La Terre sans mal en abordant cette lecture. Une personne innocente arrivant dans un contexte humain difficile et ayant tout à prouver pour comprendre un peuple et se faire accepter : on retrouve un récit humaniste, initiatique.
Cependant, La Terre sans mal nous était présentée comme un journal de bord avec de long texte en voix off rendant la lecture quelque peu fastidieuse ne laissant finalement que peu de place à l’émotion. Ici, le traitement est radicalement différent : les textes sont peu nombreux et la narration est davantage graphique.
Un tel choix ne peut fonctionner qu’avec un dessin irréprochable, et c’est le cas. Lepage n’est certes pas un expert en scènes d’action ou de mouvements mais quand il s’agit de dépeindre la chaleur humaine ou l’ambiance d’un petit village montagneux d’Amérique centrale, il n’a pas son pareil. Tout en couleurs directes, ses paysages sont somptueux et dégagent un climat chaud et humide typique de cette région. Quant à ses personnages, ils ont des visages d’une grande expressivité et se passent volontiers de dialogues superflus. Son dessin transpire la passion, la détresse, la haine, l’innocence ou encore la sensualité… Emmanuel Lepage est au sommet de son art.
Derrière une trame qui peut paraître convenue au premier abord se cache une histoire extrêmement forte. Elle possède cette dose de surprise, d’émotion et de drame qui rendent un récit inoubliable. À lire en écoutant la musique du film Mission…
Poster un avis sur cet album