Jeanne est un ouvrage atypique tant sur la forme que sur le fond. Olivier Bramanti, artiste-peintre, s'est imposé le cadre rigide du défilé du 1er mai 2004 pour aborder le sujet du Front National. A la manière d'un reporter, il a suivi et photographié les manifestants du début à la fin de leur rassemblement annuel.
Il retranscrit son expérience sous forme de clichés sous-titrés de légendes qui sont tour à tour des descriptions objectives ou des commentaires personnels de ce qu'il a pu voir et ressentir en déambulant aux côtés de militants frontistes. Le résultat est étonnant graphiquement : il a retravaillé ses clichés avec son regard de peintre pour leur donner le charme des photos anciennes, un peu floues, usées par le temps, comme s'il avait éprouvé le besoin de prendre de la distance par rapport à cette immersion. Cette prise de recul s'effectue également par ses commentaires qui se déroulent comme une bande-son monotone lors d'un reportage.
Aussi louable soit l'intention de cet ouvrage, ce qui s'annonçait comme un pamphlet contre le Front National, a des allures de balade -sans vouloir manquer de respect envers l'auteur – présentant le défilé d'un parti qui a fini par ressembler aux autres. L'intérêt est peut-être à chercher de ce côté-là, à savoir la confirmation de la banalisation des idées extrêmes de cette formation pour acquérir plus de respectabilité. Publié avant l'élection présidentielle de 2007, le traitement réservé au parti nationaliste durant la campagne et à l'issue du verdict des urnes permet de voir désormais ce livre comme le témoignage passé d'une formation qui a longtemps bousculé la vie politique française. Dans cette optique, ce que l'on prenait pour une froide distanciation se révèle être un atout en introduisant une certaine ironie, volontaire ou non, en donnant à cette manifestation l'image d'un autre temps, désormais révolu.
La démarche de l'auteur ne manque pas d'intérêt mais l'ensemble finit par laisser de marbre, conséquence "mimétique" de la tonalité d'ensemble de l'album ?
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