L
ouis, artiste en devenir, et sa sœur, Annelise, viennent de réchapper à un attentat. Si la jeune femme tente de guérir son traumatisme par les procédés traditionnels, lui se mure dans son appartement où il tourne en rond comme un fauve en cage. Cet événement a libéré chez lui des pulsions inconcevables pour toute personne saine de corps et d’esprit. Sa digue psychologique s’est fissurée, un flot de sensations et d’envies insoupçonnées l’assaillent. Plus ou moins conscient, il se laisse aller où sa nature animale le mène. Le sang appelle le sang. Rapidement, sa peinture torturée ne suffit plus à canaliser ce qui déborde, une longue descente est amorcée.
Les deux frères Moreno, le dessinateur et le coloriste, annoncent clairement que cette bande dessinée est directement issue de leur vécu : le 18 février 1991, ils étaient à la gare Victoria. C’est avec la romancière Amélie Sarn, Elle ne pleure pas elle chante, qu’ils ont travaillé sur ce récit qui touche à cette attirance chez l’humain pour ce qui relève du malsain. L’engouement pour des films comme Saw est là pour témoigner de l’aspect bien concret et dérangeant de ce sujet. L’attentat est l’élément fondateur d’une réflexion poussée sur cette tentation à emprunter le côté obscur, certaines planches étant en ce sens assez évocatrices. Relativement éloignée des lieux communs que sont le désir de vengeance ou la culpabilité d’être sorti indemne, la réaction de Louis laisse cependant perplexe car elle se rapporte plus à une certaine folie qu’à une réaction froide. Dès lors, la réflexion menée sur cette explosion de violence et sa gratuité pourra paraître quelque peu en décalage avec sa cause. Même si c’est discutable, elle aurait sans doute trouvé des bases plus solides et donc recevables à travers l’histoire de Seselj, son alter ego dans le monde des loups.
L’ensemble joue sur la perception des différents protagonistes, exprimée en paroles ou en pensées, ce qui permet d’aborder différents terrains et offre par instants une construction particulièrement intéressante. Néanmoins, cela a aussi pour effet d’agir comme une soupape et de sortir le lecteur du processus développé par l'esprit de Louis. Etait-ce le bon choix, n’aurait-il pas été encore plus intense de s'y perdre jusqu’à la suffocation ?
Le dessin est porté par une mise en couleur qui oscille de manière exclusive entre les tons délavés rouges et gris et atteint ainsi l’effet escompté d’une plongée dans le sordide. L’amateur appréciera. Le souci du détail dans les décors constitue un plus substantiel, mais il n’est rien par rapport au tour de force de Marc Moreno qui nous livre case après case un visage de Louis inexpressif au possible et par là même impénétrable.
Loup est un album indéniablement fort. Cependant, l’approche que chacun en aura sera très personnelle pour ce qui est d'admettre comme possible la démarche de cet homme en pleine tourmente.
C’est une histoire bien étrange qui raconte les souffrances psychologiques d’une victime d’attentat. Pour une raison qu’on ignore, il se voit avec une tête de loup. Il est vrai que l’homme est un loup pour l’homme. C’est le pire ennemi de son semblable. Il sera question d’un dédoublement de personnalité à la manière du film Fight Club. Bref, un procédé qui n’est pas nouveau.
Il y aura forcément de l’agressivité mais tout ceci ne dépassera pas le cadre psychologique. Il ne s’agit pas d’une enquête visant à savoir qui est l’auteur de l’attentat en question. On dirait que ceci n’était qu’un prétexte pour explorer le plus profond de l’âme humaine.
On se perdra facilement dans les méandres de cette pensée. Les situations semblent irréelles et à la fin, on ne sait pas vraiment ce qui se passe, si cette scène était le fruit de l’imagination ou pas. C’est plutôt bien dessiné. Pour le reste, je n’ai pas été convaincu par cette démonstration qui triture les méninges.